Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
SOS Méditerranée
“Un Libyen passe en voiture, il voit que tu es noir, il te fusille. Pam. Tu meurs”
Article mis en ligne le 24 août 2017

Silvanie et Maximilien ont fui la Libye le 24 juillet dernier. Le couple de Camerounais faisait partie des 419 personnes secourues ce jour-là par les Gardes Côtes italiens et des bateaux humanitaires, puis transbordées sur l’Aquarius.

(...) “C’est pas facile au pays. Je ne sais pas si je peux appeler cela une dictature, une dictature clandestine. Rien ne marche. C’était juste une exploitation de l’Homme par l’Homme là-bas. Je ne pouvais pas subvenir aux besoins des enfants”. Maximilien essaye d’expliquer ce qui l’a conduit à quitter le Cameroun, le 5 janvier 2017, avec Silvanie, sa femme, laissant derrière eux trois enfants, confiés à la garde de leur famille. “Je voulais sortir seul” poursuit Maximilien, “mais elle m’a dit non, tu ne peux pas sortir seul, car ce n’est pas sûr. Elle m’a dit qu’on devait le vivre ensemble. J’ai beaucoup réfléchi pour savoir si j’allais partir avec elle ou pas, elle a fait un “bras de fer” avec moi. Je lui ai dit : “si tu insistes, nous allons partager les souffrances ensemble, on va prendre la route ensemble”. C’est comme ça que le 5 janvier passé, nous sommes partis ensemble en laissant les enfants à ses parents, qui vivent encore. (...)

”A la frontière Algérie-Libye, on marche à partir de Debdeb pour la première ville libyenne. Il y a des maisons éparpillées. Il fait tellement chaud. Si un Libyen se fâche, il vous prend dans sa voiture, vous emmène quelque part et vous tire dessus dans le désert, personne ne lui fera rien. Du côté de la Libye, c’est tout un trafic : on vous prend, on vous donne à un Libyen, qui vous donne à un autre Libyen, et à un autre, qui soit vous transporte, soit vous amène chez lui. Il ne vous dit rien et vous restez enfermés dans la maison. Il y avait beaucoup de gens dans la pièce. On vivait dans une chambre, on ne voyait pas le dehors. Le Libyen vous dit que vous n’avez pas le droit de voir le dehors. Tous ont des armes. Il vous dit que vous risquez un kidnapping, que vous pouvez être kidnappé par un autre Libyen, qui vous emmène quelque part pour vous demander une rançon. Même si vous avez l’opportunité de vous échapper par la fenêtre, vous ne savez pas ce qui va vous arriver. Un Libyen dans sa voiture, en passant, il voit que tu es noir, il te fusille. Pam. Tu meurs”. (...)

Ils se disent que les clandestins mettent de l’argent dans les tissus, les chaussures. Ils se disent qu’on cache de l’argent. Leur manière de toucher le Noir : ils te prennent par là, juste avec deux doigts, même aux femmes, pour te dire “passe par là”. Ils mettent leurs mains devant la bouche et le nez pour ne pas aspirer vos odeurs. Jusqu’à Sabratah, je n’avais plus d’autres vêtements. On nous fait aussi comprendre que pour voyager, il ne faut pas de ceinture, pas de boutons. Ça risque de percer le canot pneumatique. J’ai tout enlevé sur mon pantalon avec une lame de rasoir. Tout ce qui était en fer. J’ai enlevé le lacet de ma chaussure pour faire une ceinture”.

“Nous avons beaucoup payé pour ce voyage” reconnaît Maximilien. “Nous avons été kidnappés 15 jours en Libye. Ils ont failli la violer. Nous étions 25 personnes, il y avait 8 femmes. Ils viennent et demandent aux femmes d’enlever leurs vêtements. Ils prennent des ciseaux et cisaillent leur soutien-gorge. C’est pour ça que Silvanie n’a pas de soutien-gorge. Ils cisaillent les sous-vêtements aussi. Dieu merci, ils ne l’ont pas violée”. (...)