
Dans le très chic VIe arrondissement de Lyon se trouve une table d’hôtes "solidaire" ouverte à tous. On y mange pour 2 euros, fromage et café compris. L’objectif : faire se rencontrer "deux mondes". Un défi.
Nassira annonce à la criée le menu : "salade mixte, poulet rôti accompagné de purée de patate douce, champignons et carottes à la crème, fromage et salade de fruits".
La cheffe du jour, Dominique Jacotet, est "très légumes, fruits, herbes fraiches et épices". Les amateurs de "chips-saucisson" repasseront : "ça la déprime".
De dehors, l’endroit ressemble un énième café cosy, mais ici tout a été chiné ou récupéré.
Servis au moins quatre fois par semaine, les repas sont confectionnés uniquement avec des produits de la banque alimentaire et "on ne met pas les pieds sous la table !", prévient Mélanie Dagneau, un des deux salariés du lieu.
Chaque convive - le restaurant peut en accueillir trente - doit aider en cuisine, débarrasser, passer un coup sur la table ou faire la plonge. Tous, sauf Paulette Boiraud. Paulette n’a pas quitté son bonnet gris ni son étole brillante. "Quand je viens ici, je n’ai pas de courses à faire. Je me traîne maintenant. Et c’est plus agréable de manger avec du monde", confie cette frêle dame de 94 ans qui vit dans une résidence municipale à quelques pas. (...)
L’association Habitat et Humanisme a, comme à son habitude, mis les pieds dans le plat en ouvrant cette première "Escale solidaire" dans ce quartier où il n’y a, en apparence, pas ou très peu de mixité sociale.
Il y a pourtant Saïd, qui vit au coin de la rue dans un grenier aménagé et qui vient ici "pour rompre la solitude" ; José qui squatte le canapé d’une connaissance ou cet homme qui vit dans sa voiture.
"Certes c’est huppé mais il y a aussi 9 à 10% de taux de pauvreté" et, "au moment où la société a plein de fractures, il est important que des personnes de différentes couches sociales se rencontrent", analyse Antoine Dulin, responsable du projet chez Habitat et Humanisme.
Cette association, spécialisée dans le logement très social, est à la pointe sur l’innovation sociale. (...)
Et puis, selon Ana Copelli, il y a aussi quelques choses qui se joue en dehors. "Maintenant les gens qui viennent sont des têtes connues. Je les croise au marché, au supermarché". Et c’est ça aussi pour elle la mixité.