
Après son onzième rapport de décembre 2012 consacré aux hypothèses économiques et démographiques pour l’avenir (voir les deux textes précédents sur ce blog), le Conseil d’orientation des retraites (COR) a publié en janvier 2013 son douzième rapport pour dresser un état des lieux du système de retraite français.
Les deux documents se complètent parce que l’un imagine des perspectives jusqu’en 2060 et le second se demande si le système de retraite sera capable d’y faire face. J’avais souligné, d’une part, combien était irréaliste le double pari d’une reprise de la croissance économique dès l’année prochaine dans un contexte d’austérité généralisée et d’une poursuite infinie de cette croissance même à taux modéré, et, d’autre part, combien était antisocial et antiéconomique le choix de ne plus jamais diminuer le temps de travail. On va examiner maintenant jusqu’à quel point le COR prend la mesure des dégâts occasionnés par les réformes libérales depuis 1993 d’un système éclaté qui aurait bien besoin de plus de justice pour retrouver une légitimité et une confiance de la part de la population déjà malmenée par la crise. (...)
Les rapports du COR sont toujours précieux car ils contiennent une masse d’informations synthétisées comme nulle part ailleurs. De ce point de vue, le COR est une institution de la République très utile.
Le douzième rapport du COR dresse d’abord un panorama de la multiplicité de nos régimes de retraites de base et complémentaires, appelés « par répartition » et mis sur pied tout au long du dernier siècle, à des moments différents et le plus souvent branche professionnelle par branche professionnelle. La création de la Sécurité sociale en 1945 constituait un premier effort d’unification pour les salariés du secteur privé, mais il subsiste encore des régimes dits spéciaux pour les salariés de la fonction publique et de certaines entreprises publiques notamment. À ces régimes concernant les salariés s’ajoutent ceux qui regroupent les non-salariés de l’artisanat, du commerce et des professions libérales. Autant de régimes, autant de conditions d’accès au droit à la retraite et de règles sur les calculs des pensions, même si la tendance va plutôt dans le sens de leur rapprochement. Mais le nivellement s’est fait surtout par le bas. (...)
le COR établit qu’en moyenne les retraités n’ont pas un niveau de vie supérieur aux actifs et il précise en outre qu’« il faudrait aussi tenir compte d’autres éléments comme les dépenses de santé, la diminution de certains besoins de consommation avec l’âge, le temps libre, l’absence de frais professionnels mais aussi d’avantages en nature… » (p. 40). Le taux de pauvreté est le même pour les actifs et les retraités : 10,2 % en 2010. (...)
le COR prévient que la situation des pensions cessera de s’améliorer dans les prochaines années. C’est dire de manière euphémisée que les réformes passées produiront pleinement leurs effets négatifs lorsque viendront en âge de la retraite les générations qui auront connu une vie active gravement abîmée par des années de crise, de chômage et de précarité. (...)
Comme la situation de l’emploi se dégrade partout à cause des politiques néolibérales, on n’est pas étonné du constat : « Au sein des pays de l’OCDE, beaucoup de seniors sont déjà hors de l’emploi juste avant leur départ à la retraite. C’était le cas de 60 % d’entre eux en 2006. » (p. 53). (...)
on ne trouve pas dans le rapport du COR de données concernant l’impact de la crise sur les rentrées de cotisations sociales. Or la crise a privé les caisses de retraites d’environ 13 milliards en 2011.
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Au final, les questions posées par l’avenir du système de retraite portent moins sur l’équilibre global financier – lequel dépend toujours de la manière dont la société décide de répartir la richesse créée, quel que soit le montant de celle-ci – que sur les finalités d’un système de retraite rarement abordées comme telles avant toute modification des paramètres ajustant le volume des prestations.
ce qui est dit d’un système de retraite par répartition est vrai de tout système : l’illusion est de croire qu’un système par capitalisation pourrait s’affranchir de cette règle immuable qui veut que tout transfert part des actifs pour aller vers les inactifs.
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Vouloir résorber le chômage à long terme en augmentant la durée du travail dans un contexte de croissance de l’économie faible relève de la quadrature du cercle. Faire comme si cette croissance pouvait être élevée dans un monde contraint par la crise écologique relève de l’aveuglement. Se rabattre sur la seule modification de la répartition interne à la masse salariale inchangée globalement pour pensionner des retraités plus nombreux ou bien sur une baisse directe des pensions relève d’un choix de classe qui ne dit pas son nom. (...)