
Elles en ont ras-le-bol de ne servir qu’à « garantir la paix sociale » et d’inculquer aux quartiers populaires toulousains « ce que l’élite pense pour les autres ». Katia et Julie, avec d’autres animateurs, ont donc créé une nouvelle coopérative d’éducation populaire, Vent Debout, dans la lignée des nouvelles structures qui émergent, comme Le Pavé à Rennes, pour dépoussiérer les vieilles fédérations institutionnalisées.
« J’enrageais de voir qu’en politique, ça manquait d’éducation populaire et qu’en éducation populaire, ça manquait de politique. D’où l’envie d’accoucher d’un truc », résume Katia, militante par ailleurs. Le bébé s’appelle Vent debout, né à Toulouse en août 2011, après ses grandes soeurs (Le Pavé à Rennes, L’Engrenage à Tours et L’Orage à Grenoble). Et materné par six animateurs – comédiens, chercheurs, professeurs. Depuis dix mois, les six jeunes dans le vent s’affairent donc à mûrir leur projet et à préparer leurs actions. (...)
Du théâtre-forum aux stages, un socle commun : susciter la participation, la prise de parole, toujours partir de son histoire de vie, de son propre parcours. La consigne autobiographique, par exemple, permet de se présenter dans une assemblée sans avancer son statut. En mettant plutôt en avant la raison de sa présence, son intérêt pour le sujet
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Les « Enquêtes » – dites « sensibles » pour ne pas dire « conscientisantes » – se déploient à travers des témoignages, des discussions et des actions collectives autour des réalités d’un métier, d’un habitat. L’idée est de « co-analyser », « co-expertiser » ses conditions de vie. Une démarche dans la lignée de l’« enquête ouvrière » utilisée au 19ème siècle par Karl Marx, et qui reprend aussi vie dans le monde du travail avec les « recherches actions » menées conjointement par des syndicalistes, des salariés et des chercheurs (comme à Renault). (...)
Idem pour leur « produit d’appel », les fameuses conférences gesticulées, popularisées par Franck Lepage (fondateur de la Scop Le Pavé) lors du mouvement contre la réforme des retraites.
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Au fil des ateliers, l’objectif reste le même : fournir des méthodes et des outils pour créer une intelligence collective, susciter une envie d’agir. « On n’est pas des inculqueurs, on est des permetteurs » (...)
Malgré son statut de Scop, Vent debout reste une entreprise. Pourquoi avoir opté pour ce statut ? Un statut associatif voulait dire faire appel à des contrats aidés, donc précaires, et de demander des subventions. Hors de question : être radical, c’est rester indépendant, disent-elles. 1 000, 2 000 euros… chaque coopérateur emprunte auprès de son entourage pour une Scop sur mesure, sans rémunération du capital. Ces « billes à crédit » sont complétées par Le Pavé, qui organise sciemment sa propre concurrence. Difficile à comprendre pour les banques !
Le montant de la participation financière n’a pas d’impact sur la prise de décision : un associé égale une voix. L’égalité prévaut également du côté des salaires (...)