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Une autre forme de démocratie s’épanouit au Rojava, le Kurdistan syrien
Article mis en ligne le 30 avril 2017
dernière modification le 26 avril 2017

Le Rojava, le territoire kurde syrien, expérimente un contrat social innovant, féministe et écologique : le « confédéralisme démocratique ». Inspiré du municipalisme libertaire de Murray Bookchin, il promeut l’autonomie démocratique locale, explique l’auteure de cette tribune. Cette expérience pourrait inspirer la France.

Qu’est-ce que la démocratie ? Qu’en est-il de la place des femmes dans notre société ? Comment lutter concrètement face au désastre écologique qui ne cesse de se confirmer ? De quelles façons respecter le droit des minorités ? Ces questions de société, bien que fondamentales au vivre-ensemble, semblent ne pas trouver réponse satisfaisante dans le débat public français, lorsqu’elles ne sont pas tout simplement absentes des préoccupations de certains de nos élus. Or, tant le mouvement Nuit debout que les expériences développées dans les Zad ont souhaité se les réapproprier, signe du décalage profond et croissant entre le monde de la politique et ceux qui, au quotidien, œuvrent pour vivre dans le monde qu’ils souhaitent. (...)

c’est au cœur du Moyen-Orient, au Rojava, le territoire kurde syrien, que les mots « démocratie », « féminisme » et « écologie » semblent avoir récupéré une position digne. Ils sont même devenus le socle d’un contrat social innovant, théorisé dans ce qui est appelé le « confédéralisme démocratique ».
Mettre en place une civilisation démocratique

À l’origine de ce projet figure le leader et fondateur du mouvement d’émancipation kurde Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999 dans les geôles du gouvernement turc. Bien que l’imaginaire collectif (construit par nos grands médias) tende à visualiser, à raison, cette zone géographique comme opprimée par des régimes violents, conservateurs voire dictatoriaux, il n’est pas anodin que ce système politique se soit développé au Kurdistan. En effet, les mouvements politiques kurdes ont dû substituer à leurs revendications d’indépendance étatique la défense d’une forme d’organisation politique propre à leur histoire. Éclatés entre quatre pays, la Turquie, la Syrie, l’Iran et l’Irak, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, les Kurdes sont aujourd’hui la plus importante nation du monde à ne pas disposer de ses propres frontières. Cette région est peuplée de nombreuses minorités, qu’elles soient ethniques (Arméniens, Turkmènes…) ou religieuses (yézidis, chrétiens…). Autant de particularismes culturels qu’il aurait été difficile de respecter dans le cadre d’un État à l’identité nationale homogène comme l’entendent aujourd’hui la communauté internationale et de nombreux politiciens.

Alors, qu’est ce confédéralisme démocratique ? Reposant sur deux axes, il entend mettre en place une civilisation démocratique. Le premier axe vise à pousser les États à se réformer pour reconnaître l’existence des minorités et dissocier la citoyenneté de l’identité culturelle grâce aux institutions étatiques déjà en place, les élections. Le second axe, en partie inspiré du « municipalisme libertaire » de Murray Bookchin, est l’idée d’« autonomie démocratique », aujourd’hui chère à de nombreux mouvements d’émancipation à travers la France et le monde. Il s’agit de développer des structures démocratiques au-delà des frontières existantes et au sein même de celles-ci, à l’échelle locale, communale. Ce second axe est l’élément principal du confédéralisme démocratique. Une fois l’autogestion établie, les différentes structures devront se fédérer par le bas, donnant naissance au système nommé « confédéralisme démocratique ». L’autonomie et l’autogestion de la commune peuvent alors s’étendre et rester cohérentes à différentes échelles. Une nécessaire inscription dans le local qui refuse néanmoins la tentation du repli sur soi et qui s’ouvre à l’international. « L’universel, c’est le local moins les murs », disait l’écrivain portugais Miguel Torga.
Combattre toute forme de domination (...)

Considérées comme le premier groupe à avoir été opprimé, les femmes doivent reprendre le contrôle et la place qui leur est due au sein d’une société qui sera des plus paritaires. Aujourd’hui déjà, chaque poste à responsabilité est cogéré par une femme et un homme dans de nombreuses communautés. Aussi, sont également encouragées les organisations de femmes afin qu’elles puissent se penser par et pour elles-mêmes.

Quant au respect de la nature, si difficile à mettre en place en Occident tant les petits intérêts des uns font souvent le grand malheur des autres, il s’agit du même principe. L’inscription locale, territoriale d’une démocratie directe permet une prise en considération sérieuse des paramètres écologiques dans toutes les décisions. (...)