Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Les mots sont importants
Une discrimination en douce
Article mis en ligne le 23 août 2015
dernière modification le 18 août 2015

Les discriminations à l’œuvre dans l’accès au logement social sont loin de se réduire à des refus caractérisés et délibérés des candidats en fonction de l’origine ; elles résultent d’abord d’un système qui fonctionne sur la base d’une sélection et d’une répartition informelles et opaques des populations « désirables » et des populations « indésirables », le caractère « étranger » étant bien évidemment un des critères de désirabilité. Sylvie Tissot revient dans cet article sur les logiques sociales qui produisent ce type de discrimination [1].

La discrimination dont sont victimes les étrangers pour accéder au logement social est un phénomène ancien et qui a d’ailleurs longtemps revêtu un caractère beaucoup plus systématique qu’aujourd’hui [2]. Jusqu’au milieu des années 1970, la majorité des étrangers étaient logés dans des foyers, des bidonvilles et autres habitats précaires. Et les grands ensembles, symboles de modernité et de promotion sociale dans les deux décennies de l’après-guerre, leur étaient, sauf de rares exceptions, pas accessibles [3]. Les étrangers n’ont accès à ce type d’habitat qu’à partir du milieu des années 1970, c’est-à-dire quand l’État s’engage dans une politique volontariste de résorption des bidonvilles et doit, par conséquent, prendre en charge le relogement de leurs habitants. C’est d’ailleurs à cette époque que les grands ensembles sont délaissés par les classes moyennes et commencent à se dégrader.

Selon l’enquête Logement réalisée par l’INSEE, la part des ménages immigrés logés en HLM n’a ainsi cessé d’augmenter, pour représenter 17,3 % des locataires en 2002 contre 13,2 % en 1992. Pour autant, ces ménages continuent à subir un traitement défavorable dans les chances d’entrée dans le logement et au regard du type de logements obtenus. Pour preuve, l’ancienneté de la demande est plus importante pour les ménages immigrés que pour les autres : 28 % des ménages immigrés ont déposé leur demande depuis au moins trois ans, soit près de deux fois plus que pour l’ensemble de la population en attente. Comme le montrent les données de l’INSEE, ce décalage ne s’explique pas par le nombre d’enfants des familles immigrées et par l’insuffisance de grands logements, puisque les ménages immigrés d’une à quatre personnes sont proportionnellement aussi nombreux à attendre depuis au moins trois ans [4]. En outre, les ménages immigrés sont concentrés dans le parc ancien : les trois quarts vivent dans des immeubles construits avant 1975.

Une des raisons avancées pour expliquer ces inégalités renvoie aux politiques du logement menées depuis la fin des années 1970. (...)