
La « révolution internet » et le « web 2 » étaient porteurs d’un grand espoir démocratique : tout le monde allait désormais pouvoir élargir ses sources d’information et même activement contribuer à l’espace médiatique. 20 ans après la généralisation du web, le constat est là : les classes favorisées gardent un accès privilégié aux médias tandis que les milieux populaires peinent à s’y faire entendre. Retour sur un rêve et sur quelques moyens de lui (re)donner vie.
(...) Avec le développement des sites d’information en ligne et la promotion du « journalisme participatif », beaucoup d’espoirs s’étaient formés quant à la capacité du net d’étendre « l’espace public démocratique ». Ils ont été déçus du côté des publics : selon une enquête réalisée en 2009 par Orange Labs, les nouveaux médias en ligne (Agoravox, Indymedia, LePost, Rue89, Mediapart, etc.) ne sont consultés que par 3 % des internautes français. Les vertus « égalitaristes » prêtées à ces médias alternatifs n’ont pas eu non plus d’effet au niveau des contributeurs : les « citizens reporters » de ces sites appartiennent très majoritairement aux catégories socioprofessionnelles intellectuelles (journalistes, étudiants, enseignants, consultants, ingénieurs) et ils ont souvent au préalable un fort engagement associatif ou militant. La démocratisation attendue n’a pas eu lieu… (...)
Le poids persistant des « médias dominants »Aujourd’hui les classes populaires et moyennes continuent de privilégier les médias traditionnels pour s’informer : la télévision (en particulier TF1, M6 et BFM) et dans une moindre mesure la radio (on connaît le succès des émissions qui donnent largement la parole aux auditeurs, inspirées de « Bourdin and Co » ou des « Grandes Gueules » de RMC). Les usages populaires d’internet en matière d’information sont faiblement diversifiés. « L’internet peut permettre de picorer les informations disponibles sur les portails d’accès généralistes, mais il est rarement utilisé pour approfondir une information ou varier les points de vue » (Comby, 2013). Finalement, la « révolution internet » aurait surtout été utile à ceux qui consommaient déjà beaucoup d’actualité sur différents supports, accentuant en quelque sorte la « fracture sociale » devant l’actualité.
L’essentiel de la partie se joue donc encore dans les médias audiovisuels « traditionnels » (...)
Bien souvent, et cela ne touche pas seulement les habitants des banlieues mais aussi les milieux ruraux ou « péri-urbains », l’image de toute une partie de la population est confisquée par un système informationnel rigide, avec un recrutement social des journalistes concentré sur les classes supérieures et des logiques politiques et économiques qui limitent leurs activités d’enquêtes pour favoriser la circulation des stéréotypes.
Le net pour s’en sortir quand même ?Si les « nouveaux médias » du net ne sont pas en position de force, ils sont quand même des précieux points d’appuis pour une autre façon d’informer. (...)