
Quelqu’un, après tout, devait faire ce premier pas. Ce que nous avons dit et écrit, beaucoup d’autres le pensaient. Ils n’ont pas osé, simplement, s’exprimer comme nous l’avons fait.
Sophie Scholl (La Rose Blanche)
Cet ouvrage traite de la riposte. La culture dominante — la « civilisation » — est en train de tuer la planète, et il est plus que temps, pour ceux d’entre nous qui se soucient de la vie sur Terre, d’entreprendre les actions nécessaires pour empêcher cette culture de détruire tout ce qui vit.
Nous sommes, à présent, tous au courant des chiffres et des tendances : 90 % des gros poissons ont disparu des océans, qui contiennent 10 fois plus de plastique que de phytoplancton, 97 % des forêts anciennes ont été détruites ainsi que 98 % des pâturages, les populations d’amphibiens s’effondrent, tout comme les populations d’oiseaux migrateurs, de mollusques de poissons, et ainsi de suite. Deux cents espèces disparaissent chaque jour. Si nous ne connaissons pas ces chiffres et statistiques, c’est que quelque chose ne va pas.
Cette culture détruit les terres, c’est une réalité. Quand vous pensez à l’Irak, la première image qui vous vient en tête, sont-ce des forêts de cèdres tellement denses que la lumière du soleil ne peut atteindre le sol ? L’un des tous premiers mythes écrits de cette culture relate l’histoire de Gilgamesh déforestant les collines et vallées d’Irak afin de construire une grande cité. La Péninsule Arabique était recouverte de forêts de chênes. Le Proche-Orient était densément boisé (nous connaissons tous les cèdres du Liban), tout comme la Grèce et l’Afrique du Nord.
Répétons-le : cette culture détruit les terres. (...)
Et il n’y a aucune raison pour qu’elle cesse simplement parce qu’on le lui demande gentiment.
Nous ne vivons pas dans une société démocratique. Et avant de vous offusquer à la lecture de ce blasphème, réfléchissez : les gouvernements sont-ils au service des multinationales ou bien des êtres vivants ? Le système judiciaire tient-il les PDG pour responsables des conséquences destructrices, souvent létales, de leurs actes ? (...)
Ce livre traite de la riposte.
Nous devons placer nos propres corps et nos propres vies entre le système industriel et le vivant de cette planète. Nous devons commencer à riposter. (...)
Comment stoppe-t-on un réchauffement climatique global causé en grande partie par la combustion de pétrole et de gaz ? La réponse est une évidence, que n’importe quel enfant de 7 ans, normalement constitué, devrait être en mesure de vous donner. Mais si vous demandez à n’importe quelle personne de 35 ans, normalement constituée, travaillant par exemple dans le développement durable pour une grande multinationale, vous recevrez probablement une réponse plus à même d’aider la multinationale que le monde réel.
Quand la plupart des membres de cette culture se demandent, « comment arrêter le réchauffement climatique ? », ils ne demandent pas vraiment ce qu’ils prétendent demander. Ils demandent en réalité, « comment arrêter le réchauffement climatique sans arrêter de consommer du pétrole et du gaz, sans arrêter le développement industriel, sans arrêter ce système omnicidaire ? ». La réponse est simple : c’est impossible.
Voyons cela autrement : que feriez-vous si des extraterrestres avaient envahi la planète, s’ils vidaient les océans, rasaient les forêts natives, construisaient des barrages sur toutes les rivières, modifiaient le climat, contaminaient, à l’aide de dioxines et de multiples produits cancérogènes, le lait maternel, la chair de vos enfants, de votre compagne(on), de votre mère, de votre père, de votre frère, de votre sœur, de vos amis, ainsi que la vôtre ? Résisteriez-vous ? (...)
Ce livre traite de la riposte.
Ce qu’on entend par riposter ? Comme nous allons le voir dans ce livre, cela signifie surtout et avant tout penser et ressentir en toute indépendance, déterminer qui – et ce que – nous aimons, et la meilleure manière de le défendre, à l’aide des moyens appropriés et nécessaires. La stratégie de Deep Green Resistance (DGR) se base sur la reconnaissance des terribles circonstances que la civilisation industrielle impose à la vie sur cette planète. L’objectif de DGR est de priver les riches de leur capacité à voler aux pauvres et les puissants de leur capacité à détruire la planète. Cela implique également de défendre et reconstruire des communautés humaines justes et durables, établies sur des terres réparées et restaurées. C’est une vaste entreprise, mais c’est possible. La civilisation industrielle peut être stoppée. (...)
Et ce livre parle de la victoire.
L’action directe contre l’infrastructure stratégique est une tactique élémentaire, à la fois des armées, et des insurgés du monde entier, pour la simple et bonne raison que cela fonctionne. Mais de telles actions, seules, ne seront jamais suffisantes pour garantir un juste dénouement. Cela signifie que toute stratégie visant à créer un futur juste doit intégrer un appel à la construction de démocraties directes fondées sur les droits humains et sur des cultures matérielles soutenables. Les différentes branches de ces mouvements de résistance doivent œuvrer en tandem : l’officiel et l’officieux, le militant et le non-violent, l’activiste de première ligne et le travailleur culturel. Nous avons besoin de tout.
Et nous avons besoin de courage. Le mot courage à la même racine que le mot cœur. Nous avons besoin de tout le courage dont est capable le cœur humain, forgé à la fois en arme et en bouclier pour défendre ce qu’il reste de cette planète. Et le cœur du courage, bien sûr, c’est l’amour. (...)