
Pour comprendre ce qu’il se passe au Niger depuis la nuit du 26 juillet qui présente un risque supplémentaire pour la stabilité de la région, il faut partir des divisions internes au sein de l’armée nigérienne traversée par des conflits de générations, de formations, d’appartenance, de préséances. Bien qu’il soit à la fois technique et difficile d’avoir des informations fiables, nous publions un premier décryptage systématique des acteurs impliqués et une analyse de fond de cette séquence particulièrement intense où le Niger se trouve confronté à la division manifeste de son armée.
(...) Si les experts parlent de coup d’État « protecteur », qui a l’objectif de rétablir un fonctionnement démocratique quand le tenant du pouvoir serait susceptible de s’en éloigner, la Guinée a fourni plusieurs exemples de ces « rectifications » qui ne se traduisent pas vraiment par un retour aux libertés publiques. (...)
Le grand contexte. Ces putsch sont davantage la manifestation de l’intervention d’intérêts économiques qui se trouvent contrariés et de querelles sanglantes entre composantes de l’armée. (...)
C’est un échec supplémentaire pour le renseignement français qui, déjà, n’avait pas vu il y a plus de 20 ans une tentative de renversement de Mamadou Tandja en plein mois de juillet. (...)
Le Niger, pays partenaire privilégié de la France dans le Sahel, en proie à la violence djihadiste dans plusieurs parties de son territoire, ne s’avère donc pas offrir un site de redéploiement de tout repos après les départs successifs du Mali et du Burkina Faso des éléments militaires français.
Sans égaler le combat sanglant entre soldats du Soudan, le Niger se trouve confronté à la division manifeste de son armée.
Jusqu’à l’Indépendance, le pays est resté en grande partie sous administration d’officiers français, qu’il s’agisse des confins sahariens ou de l’Est, avec la capitale économique de Zinder. Le tropisme touareg a toujours joué. (...)
Un exemple parlant de ces dynamiques est la tentative menée par la France consistant à faire revivre des unités armées de camelins appuyés par des deltaplanes. Rien de cohérent et de global n’a été mis en œuvre à l’extérieur pour solidifier la capacité opérationnelle et améliorer la solde des troupes. Ce qui explique l’hétérogénéité et parfois la brièveté des soulèvements de l’armée au Niger. Ils s’apparentent le plus souvent à des « mutineries du ventre » que les politiques et journalistes occidentaux ne prennent pas au sérieux car les alliés au pouvoir finiront par rester en place à Niamey. (...)
L’armée nationale, au milieu de difficultés budgétaires sans nom, ne parvient pas à payer des soldats souvent contraints de vivre sur l’habitant. Le Niger n’a que des frontières hostiles ou des voisins qui offrent des bases de repli. (...)
Le système Guri, l’État profond d’accumulation élitaire de l’argent et de la puissance a gangrené l’armée. Les affinités régionales, les cursus marocains, algériens ou américains, les familles de la banque ou du commerce, les contrats d’armement créent des mafias circonstancielles prêtes à passer à l’acte ne serait-ce que pour un an.