
Le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad ont décidé de faire front commun en créant la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), une armée constituée de 5 000 soldats qui sera déployée dans cette région particulièrement agitée pour affronter les combattants islamistes. Mais une nouvelle réponse militaire à la crise est-elle la solution ?
Le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a récemment dit au Conseil de sécurité, qui, le 30 octobre, a voté sur la question du financement de cette nouvelle force multinationale, qu’il s’agissait d’« une occasion à ne pas manquer » et que ne pas soutenir cette force entraînerait des risques importants dans une région où l’insécurité est déjà « extrêmement préoccupante ».
Dans une résolution adoptée en juin, le Conseil de sécurité a « accueilli favorablement le déploiement » de la force, mais la décision quant à son financement a été remise à plus tard. Le libellé de la résolution a été le sujet d’un bras de fer prolongé entre Paris, principal promoteur de la FC-G5S, et Washington, qui ne croyait pas qu’une résolution était nécessaire. Les États-Unis considèrent par ailleurs que le mandat de la force est trop large et ne sont pas convaincus que les Nations Unies – dont ils sont le principal contributeur – devraient financer ses opérations.
Le vendredi 27 octobre, l’ambassadrice des États-Unis aux Nations Unies Nikki Haley a dit que Washington souhaitait en savoir plus sur « la stratégie adoptée, la façon de voir les choses et les implications avant de [s’]engager à recourir aux contributions obligatoires [des États membres] des Nations Unies ».
La France a travaillé d’arrache-pied pour tenter de convaincre les États-Unis. Lors d’une visite à Washington à la mi-octobre, la ministre française de la Défense Florence Parly a dit que l’ancienne puissance coloniale n’avait aucun désir de devenir la « garde prétorienne de pays africains souverains ». (...)
Les efforts mis en œuvre par des groupes de la société civile pour négocier avec certains groupes djihadistes n’ont rien donné. Par ailleurs, les parties signataires de l’accord de paix de 2015 entre le gouvernement malien et deux coalitions de groupes armés locaux – un accord qui excluait les djihadistes – sont profondément divisées entre elles. Certains de ces groupes locaux sont aussi responsables d’attaques contre l’État.
Ces divisions font vaciller l’espoir de réussir à faire front commun contre les djihadistes, voire à mettre en œuvre adéquatement l’accord de 2015. L’incapacité du gouvernement à répondre aux griefs politiques et économiques d’une grande partie de la population le place dans une situation encore plus délicate. (...)
Retombées humanitaires
Les premières victimes de cette insécurité sont les civils maliens. À la fin de l’année scolaire 2016-2017, 500 écoles étaient fermées, contre 296 à la même époque l’année précédente. Les réfugiés (140 000) et les déplacés (55 000) n’ont jamais été aussi nombreux qu’en 2017.
Selon l’UNICEF, le taux de malnutrition aiguë chez les enfants de moins de cinq ans a atteint des niveaux « critiques » dans les régions affectées par les conflits situés près de Tombouctou et de Gao. L’organisation estime par ailleurs que 165 000 enfants souffriront de malnutrition aiguë l’an prochain dans l’ensemble du pays.
À la mi-octobre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a suspendu ses opérations dans la région de Kidal, dans le nord du pays, à cause d’« actes criminels répétés ».
Préoccupations en matière de financement
Le principal mandat du G5 Sahel sera de sécuriser les frontières communes du bloc d’États membres et de combattre les groupes « terroristes » et criminels.
Son quartier général a été inauguré en septembre à Sévaré, dans le centre du Mali, mais son financement n’est pas encore acquis. (...)
Le financement est loin d’être la seule inconnue : la confiance entre les États membres du G5 demeure en effet fragile. (...)
Risques
Compte tenu de la fréquence des attaques contre les forces existantes au Mali, et notamment contre l’armée nationale, le risque d’alimenter encore plus les groupes djihadistes en armes et en véhicules est un autre élément à prendre en compte dans le déploiement d’un plus grand nombre de soldats dans la région. (...)
Human Rights Watch a récemment dénoncé les « meurtres, les disparitions forcées et les actes de torture » commis par les forces de sécurité du Mali et du Burkina Faso sur des personnes soupçonnées d’appartenir à des groupes djihadistes. Des comportements qui – même minoritaires – conduisent les populations à se défier des armées censées les protéger, voire à rejoindre les groupes armés pour chercher protection. (...)