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Une nouvelle prison à Muret : « C’est non ! »
Article mis en ligne le 5 janvier 2022

A l’instar des précédentes périodes pré-électorales, les enchères montent et atteignent même à des sommets : 20 000, 30 000 et même 100 000 places de prison supplémentaires ! C’est ce que les candidats à l’élection présidentielles promettent à quelques mois des élections, estimant la construction de ces places nécessaires pour combattre efficacement à une délinquance qui serait en constante hausse et pour résoudre la surpopulation qui gangrène les établissements pénitentiaires depuis tant d’années. Dans ce contexte populiste tenté d’irrationalité et d’irresponsabilité, certain.e.s sont bien décidés à se battre localement pour que cesse cette folie sécuritaire et démagogique.

Le 4 octobre dernier, le tribunal administratif de Toulouse saisi en référé considérait que les conditions de détention au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses méconnaissaient gravement les droits fondamentaux des personnes incarcérées. Cellules insalubres, toilettes non cloisonnées, cours de promenade infestées de rats et dénuées de bancs et d’abri, abords des bâtiments jonchés de détritus, climat de violences et d’insécurité, problèmes d’accès aux soins… Autant de problèmes qui sont aggravés par la surpopulation chronique de l’établissement : selon les derniers chiffres du ministère de la Justice, il abritait 1 122 personnes pour 644 places opérationnelles.

Pour y remédier, le gouvernement a donc décidé de la construction d’une nouvelle prison dans la ville voisine de Muret, qui accueille déjà un centre de détention de 614 places. Un nouvel établissement pénitentiaire donc, de 600 places, véritable usine carcérale dont la construction s’inscrit dans le cadre d’un programme de construction de 15 000 nouvelles nouvelles places de prison.

Des citoyen.ne.s de la région toulousaine, rejoints par des organisations et associations de défense des droits de l’homme regroupés au sein du Collectif pour un Muret écologique et non carcéral ont décidé de s’opposer fermement à ce grand projet inutile. Leur première critique concerne la manière dont a été conduit ce projet, qui a avancé dans l’ombre pendant plusieurs années. « Il est surprenant de constater qu’il a fallu attendre 4 ans pour la tenue d’une enquête publique d’un projet urgent » ironisait avec sévérité le commissaire enquêteur dans le cadre de l’enquête publique menée au début de l’année 2021. Une enquête par ailleurs réalisée pendant une période pandémique peu propice à la participation des personnes directement concernées par ce projet.

Si les opposants à ce projet expriment de la colère quant à l’absence de débat démocratique autour de ce projet, ils portent une critique virulente sur les conséquences environnementales qu’aurait la réalisation de celui-ci. (...)

Pour la construction de cette prison, le ministère de la Justice a en effet fait le choix - difficilement compréhensible - d’un emplacement situé en zone agricole protégée, faisait fi de toute exigence et de toute logique environnementale. La réalisation de ce projet entrainerait l’expropriation de plusieurs paysans, ce qui aurait pour conséquence de fragiliser leurs exploitations. Ce sont 17 hectares de terres agricoles, comportant une zone humide et plusieurs espèces animales et végétales protégées, qui se verront artificialisées et bétonnées. Le site d’implantation se situent par ailleurs à proximité immédiate (200 m) d’une dizaine d’habitations, d’une aire d’accueil pour les gens du voyage avec une vingtaine de familles sédentaires mais aussi d’un lotissement, ce qui engendrera des nuisances très importantes, impossible à compenser pour les riverains.

Ce projet de construction d’une troisième prison dans l’agglomération toulousaine est aussi un « non-sens politique et financier » dénoncent les opposants. L’extension du parc carcéral, présentée par le gouvernement comme l’une des principales réponses pour lutter contre la surpopulation carcérale et l’indignité des conditions de détention, est en effet une vieille recette qui a déjà fait la preuve de son inefficacité : depuis 30 ans, la France construit de nouvelles prisons qui débordent aussitôt. Outre qu’ils échouent à absorber le recours croissant à l’incarcération, ces investissements immobiliers sont particulièrement coûteux et amputent le budget de l’administration pénitentiaire des fonds qui seraient nécessaires à l’amélioration des conditions de détention et la réinsertion des personnes condamnées.

Enfin, et c’est assez nouveau pour une lutte contre la construction d’un établissement pénitentiaire, les opposants soulèvent des questions de fond : souhaitons-nous un monde dans lequel nous voulons toujours plus de forces de police et de prison ? La prison est-elle un dispositif efficace de lutte contre la délinquance et la récidive ? N’aggrave t-elle pas les maux qu’elle est censée résoudre ? De plus en plus de voix s’élèvent désormais pour dénoncer les effets de cette peine sur ceux et celles qui la subissent, l’indigence des moyens alloués à la préparation à la sortie des condamnés, l’absence d’études démontrant la caractère dissuasif de la prison, les conditions de vie dans lesquels sont emprisonnées les personnes détenues, la privation des droits élémentaires ou encore le manque le manque de soins psychologique et psychiatrique entre les murs (...)