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Observatoire des inégalités
Valeurs : les Français soutiennent massivement les plus pauvres
Article mis en ligne le 28 février 2017
dernière modification le 24 février 2017

 Dans leur immense majorité, les Français restent solidaires des plus pauvres et soutiennent les politiques sociales. La stigmatisation des « assistés », la « fin de la compassion » ou la « pauvrophobie » ne sont le fait que d’une minorité. Une analyse du Centre d’Observation de la société.

Que pensent les Français [1] de la pauvreté et des personnes pauvres ? Le plus souvent les discours publics oscillent entre misérabilisme (en hiver surtout) et stigmatisation des « assistés », ces allocataires de minima sociaux ou d’allocations chômage qui profitent de la vie sans rien faire. Il existe pourtant des enquêtes d’opinion sérieuses, répétées d’année en année depuis plus de quinze ans qui permettent d’en savoir plus : le « Baromètre d’opinion » publié depuis 2000 par le ministère des Affaires sociales [2] et l’enquête « Conditions de vie et aspirations », réalisée par le Crédoc depuis 1979 [3]. Leur ancienneté permet de dépasser les effets du contexte médiatique. Elles font apparaître une population bien plus compréhensive envers les plus démunis qu’on ne l’avance souvent. Les Français n’ont en rien succombé à la « pauvrophobie », terme parfois employé pour décrire les manifestations d’hostilité envers les plus pauvres. (...)

Le ministère des Affaires sociales pose aussi une question dans un registre un peu différent : « Est-ce que la pauvreté est un sujet qui vous préoccupe personnellement ? ». L’enquête tente ici de mesurer le niveau d’inquiétude des individus. Massivement, les Français répondent « oui », à 90 % depuis 2000. Ils s’inquiètent du sort de leur prochain et l’idée que chacun puisse disposer de conditions de vie dignes est une valeur profonde. Premier indice qui montre que la population est loin de partager un discours qui montrerait du doigt les plus pauvres. Pour partie aussi il est vrai, comme l’analyse le sociologue Julien Damon, cette sensibilité à la pauvreté dépend du débat sur le sujet. « Il est probable que la qualité et l’orientation des discours publics, assis désormais sur un ensemble de chiffrages touffus, jouent un rôle en la matière », note-t-il [6]. (...)

Les valeurs partagées par les Français ne fluctuent pas comme la météo au gré des sondages. Ces données invalident la thèse d’une opinion publique qui serait devenue de plus en plus sévère vis-à-vis des pauvres. Reste à expliquer un certain nombre d’inflexions que l’on mesure depuis 2013. Selon le Crédoc, la part de personnes qui pensent que le RSA risque d’inciter les gens à ne pas chercher du travail est passée de 43 % à 53 %. Un mouvement inverse à la baisse a été enregistré entre 2007 et 2010, de 51 % à 42 %. Selon le ministère des Affaires sociales, la part des personnes qui souhaitent que l’on baisse le RSA a augmenté de 6 % en 2010 à 17 % en 2015 (contre 60 % qui veulent qu’on l’augmente).

Le Crédoc y voit une évolution de fond. « Entre la crise de 1993 et celle de 2008, l’opinion semble s’être « durcie ». Le mouvement de compassion à l’égard des personnes qui vivent en situation de pauvreté est moins net qu’en 1993. Surtout, contrairement à ce qui s’est passé en 1993, l’opinion déclare moins souvent que les pouvoirs publics ne font pas assez pour les plus démunis. », expliquent Régis Bigot et Emilie Daudey, du Crédoc [11]. Cette analyse demande à être confirmée dans le temps. La part de ceux qui estiment que les pauvres sont dans cette situation parce qu’ils n’ont pas fait assez d’efforts a augmenté de 25 % en 2009 à 37 % en 2014, mais, là aussi, simplement pour revenir à son niveau de 2005. Un peu moins des deux tiers des Français estiment toujours que les pauvres n’ont pas eu de chance. 91 % des Français estiment que les pouvoirs publics font « ce qu’ils doivent » (32 %) ou « pas assez » (59 %) pour les plus démunis. On fait plus probant comme durcissement. (...)