
« Le poison de la concentration des médias, la croisade culturelle de milliardaires contre les libertés collectives, continueront d’infuser lentement ici et là. Le terreau médiatique est devenu si fertile pour la pousse de l’extrême droite et de la censure. » Alors que se précise l’hypothèse de la vente d’Editis au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, dessinant un paysage éditorial constitué de deux mastodontes avec le groupe Bolloré, un ensemble d’élu·es Nupes s’inquiète de l’absence de mécanismes de protection contre les phénomènes de concentration.
Le dossier Bolloré agite le monde de l’édition depuis le début de l’année 2022. En se lançant dans une acquisition de Hachette-livre, une opération conditionnée par l’Union européenne à sa séparation préalable du groupe Editis, le milliardaire a semé le doute et l’incertitude au sein des deux maisons. Cette manœuvre, confuse et trouble depuis plusieurs mois, aura eu le temps de miner un peu davantage un paysage éditorial déjà très fragile.
Après le spectre d’une cession du groupe Editis à un consortium de trois hommes d’affaires - des parlementaires de la NUPES avaient écrit à la ministre de la Culture pour s’en inquiéter -, l’hypothèse de sa vente au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky est aujourd’hui la plus probable. Si l’édition sortira immanquablement groggy de cette opération, le phénomène de concentration dans les médias se révèle lui dans une santé éclatante. (...)
Cette offensive explique aussi les craintes, tout à fait légitimes, des salariés du groupe Editis. C’est pourquoi leurs syndicats demandent à être reçus prochainement par le repreneur probable. Garanties quant à la préservation des emplois, au maintien de l’unité « édition-diffusion-distribution » du groupe, à une indépendance éditoriale très malmenée ces dernières années (on ne compte plus les complaisances de la direction à l’égard de l’extrême-droite)... Les sujets d’inquiétude sont nombreux.
Côté Hachette-livre, s’ouvre pour les salariés une période orageuse. Incertitude sur la politique de l’emploi, sur le devenir de l’identité du groupe, sur l’autonomie des maisons qui le composent, sur le projet éditorial et industriel d’un Vincent Bolloré dont on connait l’appétit politique. Si l’option Kretinsky est confirmée et remet Editis d’aplomb, la manœuvre de dislocation de l’édition par Vincent Bolloré aboutira – au mieux – à reconstituer une dynamique de mastodontes. (...)
La seule, donc, à sortir la tête haute de cette opération viciée dès le départ, celle par qui le malheur arrive et arrivera encore à terme, c’est la concentration des médias. (...)
C’est dire l’urgence de mécanismes de protection contre les phénomènes de concentrations dans l’édition, dans la culture, dans l’ensemble de notre l’économie. La gauche n’est pas sans proposition sur ce sujet, loin de là. (...)
Alors que le peuple français fournit en ce moment, dans la bataille sur la contre-réforme des retraites, la preuve de sa capacité de mobilisation, nous appelons à ce que la nécessaire sauvegarde de la création et de l’indépendance ravive ce combat collectif contre la concentration des médias.