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Ventes de masques au grand public : les mensonges du gouvernement Elles étaient légalement possibles depuis le 23 mars
Article mis en ligne le 4 mai 2020

Les autorités ont martelé que les pharmaciens ne pouvaient pas vendre de masques chirurgicaux ou FFP2 au grand public. C’était faux depuis le décret du 23 mars. Et c’est même le ministre de la Santé qui le dit. Une politique qui a pu favoriser des contaminations. Explication.

Cela peut paraître incroyable, mais les pharmaciens et la grande distribution, entre autres, pouvaient vendre des masques chirurgicaux depuis le 23 mars. Et pourtant le discours était tout autre. Les autorités sanitaires le martelaient dans les médias : interdiction de vendre des masques chirurgicaux et FFP2 au grand public. Syndicats de pharmaciens et Ordre national ne disaient pas autre chose. De toute façon, jusqu’à une date très récente, ces masques n’étaient, paraît-il, pas nécessaires. Ces éléments de langage servaient surtout à masquer l’imprévoyance organisée par les gouvernements successifs, déjà sous Nicolas Sarkozy, après le départ de Roselyne Bachelot, sous François Hollande puis sous Emmanuel Macron, comme l’a démontré entre autres Libération. (...)

Le 10 mars, Olivier Véran, ministre de la Santé indiquait à Franceinfo : « Nous avons été le seul pays au monde à avoir fait une réquisition complète de tous les stocks de masques, de tous les sites de production de masques, et nous sommes capables d’avoir une gestion et un pilotage par l’Etat de tous ces masques dans la durée (...) on s’est rendu compte que lorsqu’on déstockait massivement des millions de masques, il y a des gens qui allaient chercher des masques qui n’en avaient pas besoin. J’ai donc pris un arrêté qui interdit la vente de masques pour toute personne qui ne relève pas d’une prescription ou qui n’est pas un professionnel de santé. »

Ce discours, on le retrouve aussi sur le site du ministère de la Santé : (...)

Le 17 mars au soir, Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, affirmait lors de son point presse quotidien que dans la rue, énormément de gens ont des masques qui sont mal ajustés et donc se contaminent massivement en pensant être protégés alors que ces masques sont réservés aux professionnels de santé. Il n’y a pas de raison de porter un masque dans la rue, expliquait-il.

Le 25 mars, Sibeth Ndiaye précisait, invoquant Jupiter lui-même, que « le président ne porte pas de masque parce qu’il n’y en a pas besoin d’un masque quand on respecte la distance de protection vis-à-vis des autres ». Pendant ce temps-là, Emmanuel Macron visitait l’hôpital de campagne de Mulhouse avec un masque FFP2 sur le visage...

Le 1er avril, Édouard Philippe, affirmait encore qu’il n’y a « pas de preuve que le port du masque dans la population apporterait un bénéfice. Ce serait même plutôt le contraire, à cause d’une mauvaise utilisation. »

Volte-face le 3 avril, les masques, que tant de représentants des autorités présentaient comme inutiles et à réserver aux soignants, deviennent incontournables. Le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, déclare : « Si nous avons accès à des masques, nous encourageons effectivement le grand public, s’il le souhaite, à en porter. » (...)

Fous ta cagoule ton masque

La nécessité du port du masque pour le grand public, enfin actée par le gouvernement Philippe permettra sans doute de sauver des vies, si tant est que les Français acceptent de les porter correctement, c’est à dire pas sous le nez ou sous le menton... Une évidence que les autorités se sont escrimées à démonter jour après jour. Pourtant, dès le 27 mars, dans la revue Science, le directeur du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (SCDC), Georges Gao, avait mis en garde : « La grande erreur aux États-Unis et en Europe est, à mon avis, que la population ne porte pas de masque ». « Il faut porter un masque. » Et le 3 avril, c’est l’Académie de médecine qui publie un avis recommandant le port du masque généralisé (...)

Le 26 avril seulement, un arrêté autorise la vente de masques dits « grand public » ou « alternatifs », c’est à dire non sanitaires, dans les pharmacies.

Et à partir du 4 mai, les masques chirurgicaux seront en vente dans la grande distribution et dans les pharmacies. Enfin, pourrait-on dire.

Sauf que légalement, la vente de masques chirurgicaux et même FFP2 était légale sur le territoire français depuis le décret du 23 mars. L’article 12 sur les réquisitions est le suivant : (...)

Si les masques produits sur le territoire national restent réquisitionnés jusqu’au 31 mai, il n’en n’est pas de même pour les masques importés. Au-delà d’une importation de 5 millions de masques par trimestre, une demande d’importation doit être adressée au ministère de la Santé, qui a alors 72 heures pour dire s’il réquisitionne partiellement ou totalement la commande. En l’absence de réponse dans ce délai, les masques ne pourront être réquisitionnés.

Les entreprises sont ensuite libres d’en faire ce qu’elles veulent, y compris de les vendre. Nos contacts avec des industriels ou les enquêtes de nombreux médias ont montré que de nombreux stocks étaient disponibles sur le marché mondial, certes parfois à un prix élevé.

Mais pourtant l’Ordre des pharmaciens, leurs syndicats, les autorités soutenaient qu’on ne pouvait pas en vendre en pharmacies. (...)

Si les masques produits sur le territoire national restent réquisitionnés jusqu’au 31 mai, il n’en n’est pas de même pour les masques importés. Au-delà d’une importation de 5 millions de masques par trimestre, une demande d’importation doit être adressée au ministère de la Santé, qui a alors 72 heures pour dire s’il réquisitionne partiellement ou totalement la commande. En l’absence de réponse dans ce délai, les masques ne pourront être réquisitionnés.

Les entreprises sont ensuite libres d’en faire ce qu’elles veulent, y compris de les vendre. Nos contacts avec des industriels ou les enquêtes de nombreux médias ont montré que de nombreux stocks étaient disponibles sur le marché mondial, certes parfois à un prix élevé.

Mais pourtant l’Ordre des pharmaciens, leurs syndicats, les autorités soutenaient qu’on ne pouvait pas en vendre en pharmacies. (...)

Sauf que cela ne concerne bien sûr que les masques réquisitionnés. (...)

Pour sortir de la confusion, le collectif C19 et un pharmacien ont demandé à Maître Fabrice di Vizio de déposer un référé liberté auprès du Conseil d’État, pour que les pharmaciens soient autorisés à vendre des masques. Surprise, le ministre de la Santé a déposé le 30 avril un mémoire en défense expliquant qu’il n’était pas interdit aux pharmaciens de vendre les masques chirurgicaux. (...)

Pour sortir de la confusion, le collectif C19 et un pharmacien ont demandé à Maître Fabrice di Vizio de déposer un référé liberté auprès du Conseil d’État, pour que les pharmaciens soient autorisés à vendre des masques. Surprise, le ministre de la Santé a déposé le 30 avril un mémoire en défense expliquant qu’il n’était pas interdit aux pharmaciens de vendre les masques chirurgicaux. (...)

L’intégralité des observations du ministère de la Santé sont consultables ici. (...)

le ministre de la Santé reconnaît que les masques importés et non réquisitionnés peuvent être légalement vendus sur le territoire national, leurs propriétaires pouvant en disposer librement. La communication du gouvernement a mis la pression sur les pharmaciens pour qu’ils ne vendent pas de masques, alors qu’ils en avaient le droit depuis le 23 mars. Ce retard délibéré pour la mise en vente de masques est évidemment préjudiciable pour la santé des Français.

Il est probable que les pharmaciens n’aient pas lu dans le détail le décret du 23 mars qui les autorisait à les commander à l’étranger et à les vendre. Mais l’Ordre, les centrales d’achats et répartiteurs des pharmaciens... Eux qui ont des services juridiques, pourquoi n’ont-t-ils pas répercuté cette information ?
Gentlemen agreement avec l’État

« On a fait comme si c’était interdit alors que ça ne l’était pas, explique un cadre d’un répartiteur pharmaceutique sous couvert d’anonymat. La vente a toujours été légale, il n’y a jamais eu d’arrêté disant que les pharmaciens n’avaient plus le droit de vendre des masques. L’État a organisé un rationnement sans le dire. Il y avait tellement peu de masques pour le personnel de santé, que l’Etat ne pouvait pas se permettre de montrer que le grand public pouvait en avoir. (...)

Donc c’est un _gentleman agreement qui a perduré pendant toute la crise jusqu’à cette semaine. Quand vous êtes pharmacien et inscrit à l’Ordre, quand vous êtes syndicalistes et que vous respectez la parole des pouvoirs publics. Quand les pouvoirs publics vous demandent de ne pas vendre de masques, aussi parce que l’État en distribue en parallèle et que vous êtes dans une forte tension d’approvisionnement pour l’hôpital, vous respectez ça. Nous avions le droit d’en vendre. Quand vous êtes une profession réglementée, vous ne vous amusez pas à ne pas respecter les paroles des autorités. Ce n’était pas une question légale, c’était une question éthique et morale. Les pharmaciens sont des personnes disciplinées qui respectent les pouvoirs publics et qui sont restées dans les consignes que le gouvernement leur a donné_. »

Le grand public qui n’a pas eu les moyens de se protéger du Coronavirus et les malades du Covid qui n’ont jamais eu accès aux masques même sur ordonnance, alors que les filières d’approvisionnement existaient, apprécieront... (...)

Aujourd’hui les pharmaciens hurlent, car les bons petits soldats n’ont pas été récompensés. Dans leur dos, Bercy organisait l’importation de centaines de millions de masques avec la grande distribution. (...)

Le comportement du gouvernement, qui a laissé la grande distribution organiser un achat massif de masques sans les réquisitionner tandis que les soignants avaient une très faible dotation et que les Ehpad comptaient les masques un par un, n’est pas sans poser question. (...)

Ces discours d’interdiction de vente de masques savamment entretenus par le gouvernement ont servi à masquer son incapacité à s’en procurer en très grand nombre, alors que des filières existaient. En outre, alors que les discours officiels nous invitent désormais à porter des masques pour éviter la contagion, il n’est pas incongru de s’interroger : des contaminations par le Covid-19 auraient-elles pu être évitées si les pharmaciens et des commerces s’étaient sentis libres pour se fournir en masques et les vendre à la population après le 23 mars, date à partir de laquelle ils en avaient le droit ? (...)