
Cristal Union, le deuxième groupe sucrier français, est confronté à une vaste contamination aux « polluants éternels », révèle Disclose, en partenariat avec France 3. Des champs de betteraves aux usines, l’ensemble de la chaîne de production est contaminée. L’industriel maintient l’opacité sur l’origine de la pollution, qui pourrait provenir des pesticides utilisés dans les champs.
Les paquets de sucre Daddy, présents dans deux foyers sur trois en France, c’est elle. Les quatre morceaux de sucre dans une canette de Coca-Cola, c’est encore elle. Et il y a de fortes chances pour que le sucre glace utilisé par la boulangerie-pâtisserie du coin sorte aussi de ses usines. Cristal Union est une entreprise méconnue, et pourtant incontournable. Premier fournisseur de sucre à l’industrie agroalimentaire française, 2,65 milliards d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier… Le groupe coopératif est assis sur un or blanc : la betterave à sucre du nord et de l’est de la France. Mais cette matière précieuse est aujourd’hui frappée par un mal dont l’humanité prend peu à peu la mesure : les PFAS, des molécules chimiques ultra-persistantes dans l’environnement et toxiques pour la santé humaine.
Pour la première fois, Disclose et France 3 révèlent l’étendue de la contamination aux « polluants éternels » chez un géant de l’agroalimentaire. Des terres agricoles jusqu’aux betteraves, la chaîne de production de Cristal Union est infestée par ces substances toxiques. Pire, cette pollution se propage dans un cycle infernal. Car l’industriel se débarrasse de ses matières chargées en PFAS auprès d’agriculteur·ices partenaires, qui les déversent dans leurs champs. D’après notre enquête, le géant du sucre n’a pas pris la peine de les prévenir de la contamination. Même silence du côté des services de l’État (...)
Disclose et France 3 ont compilé les analyses de plus de 3 000 usines tenues, depuis 2023, de déclarer à l’administration leurs rejets de PFAS dans l’eau. Pour les mesurer, les services de l’État utilisent plusieurs indicateurs, dont l’AOF, pour « fluor organique absorbable ». (...)
Quelque 550 analyses tenues secrètes (...)
Des PFAS dans la chaîne alimentaire (...)
L’hypothèse des pesticides
Reste une question en suspens : l’origine des PFAS détectés dans les usines de Cristal Union. Pour répondre aux questions de Disclose et France 3, le groupe a envoyé une porte-parole, ancienne lobbyiste de l’agence d’influence Thomas Marko & Associés, qui comptait comme clients 3M ou Solvay, deux sociétés impliquées dans des scandales de contamination cachée aux polluants éternels. « Cristal Union n’utilise aucun PFAS dans ses processus », affirme la communicante. Les PFAS détectés dans les terres peuvent « résulter de certaines pratiques agricoles » et « de l’épandage des eaux usées urbaines traitées en stations d’épuration », poursuit-elle. Et de conclure : « pour rappel, 80 % des papiers toilette contiennent encore des PFAS ». Une rhétorique reprise par un autre membre de la coopérative : « Les PFAS sont présents dans la terre qu’on ramène à l’usine et il y en a aussi sur vos ongles, dans le papier toilette… Il y en a partout sur vous ! »
Le papier hygiénique n’est pourtant pas la source de pollution privilégiée par les pouvoirs publics. Sollicitée, la Dreal Grand Est évoque plutôt une « origine de la présence de PFAS et d’AOF en lien avec l’activité agricole ». « Ça pourrait venir des matières actives qu’on met sur les cultures », avance, à demi-mot un betteravier qui fournit Cristal Union. Une manière polie de nommer les pesticides. (...)
« Quand on sait que des pesticides PFAS sont utilisés à un endroit et qu’on ne cherche pas le TFA, c’est qu’on ne veut pas le trouver », s’agace François Veillerette, porte-parole de l’ONG Générations Futures. Pendant ce temps, dans les plaines de l’Aube, Cristal Union se félicite des « conditions climatiques favorables ». Promesses d’une belle récolte de betteraves. Et de PFAS.