
Violences, catastrophes sanitaires et apparition de « narco-Etats » sont quelques-unes des conséquences des principes guerriers qui ont longtemps dicté, sous l’égide des Etats-Unis, la politique internationale en matière de drogues.
Depuis plus de dix ans, d’autres logiques tendent à s’imposer, confirmés par certaines expériences américaines, comme en Uruguay.
Un nouveau rapport de la Commission globale sur la politique des drogues encourage les Etats à réglementer certains marchés « en commençant, sans s’y limiter, par le cannabis, la feuille de coca et certaines nouvelles substances psychoactives (drogues de synthèse) ».
Ce virage idéologique, analysé par François Polet, pourrait être traduit dans les conventions internationales en 2016, lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies consacrée à cette question. (...)
Longtemps, Washington a imposé sa solution au fléau des stupéfiants : la guerre, de préférence menée sur d’autres territoires que le sien. Depuis quelques années, toutefois, le consensus se fissure.
« La guerre contre la drogue est un échec (1). » Le rapport publié le 30 septembre 2013 sur le site du British Medical Journal ne laisse aucune place au doute : les politiques prohibitionnistes — associées au nom du président américain Richard Nixon, qui, le 17 juillet 1971, avait élevé les drogues au rang d’« ennemi public numéro un » — n’ont pas tenu leurs promesses. Entre 1990 et 2010, le prix moyen des opiacés (héroïne et opium) et de la cocaïne aurait même chuté respectivement de 74 % et 51 %, en prenant en compte l’inflation et l’amélioration de la pureté des produits. Serait-il temps d’envisager une autre méthode pour lutter contre ce fléau, à l’image de certains Etats américains ou encore de l’Uruguay (lire « Pourquoi l’Uruguay légalise le cannabis ») ?
Répondre par l’affirmative ne revient pas à minimiser le phénomène. (...)
Les réseaux mafieux ont bénéficié de l’appauvrissement massif des perdants de la mondialisation. Ruraux ou urbains, ceux-ci constituent une « armée de réserve » inépuisable pour la production et le transport des drogues. Mais l’économie politique de ce marché imite jusqu’à la caricature l’iniquité des chaînes de valeur internationales, qu’il s’agisse de l’agrobusiness ou de l’industrie textile : en 2008, seuls 1,5 % des profits de la vente de cocaïne aux Etats-Unis revenaient aux petits producteurs de coca, tandis que les réseaux organisant la distribution à l’intérieur du territoire américain en captaient 70 % (3), avant de les déverser dans l’industrie du luxe ou dans les divers secteurs permettant le blanchiment de l’argent sale (immobilier, casinos, tourisme). (...)