
Habitué des procédures juridiques à l’encontre de journalistes et de médias qui ont le mauvais goût d’enquêter sur les activités des filiales de son groupe, Vincent Bolloré innove : il remplace l’habituelle plainte en diffamation et assigne France 2 devant le tribunal de commerce de Paris, réclamant 50 millions d’euros pour « atteinte aux intérêt commerciaux » de son entreprise, comme nous l’a appris Libération le 2 août dernier.
(...) Un accro des procédures judiciaires
Mais les relations de Vincent Bolloré avec les médias sont bien plus anciennes [2] : depuis 2009, la dixième fortune de France fait planer la menace d’un procès sur chaque journaliste et chaque média publiant ou diffusant un reportage ou une enquête sur les activités de son groupe, en particulier en Afrique. (...)
il est sans doute plus délicat d’invoquer la diffamation au sujet d’un reportage télévisé montrant les employés d’une filiale du groupe Bolloré et leur donnant directement la parole, comme le fait le documentaire diffusé le 8 avril dernier dans l’émission « Complément d’enquête » sur France 2, consacré entre autres aux activités du groupe en Afrique et à la « gestion Bolloré » de Canal+. Le 3 juin, devant les actionnaires de son groupe, Vincent Bolloré accusait les journalistes de bidonnage, sans toutefois porter plainte officiellement. Le jeune salarié de la Socapalm, filiale de Bolloré exploitant des plantations de palmiers, qui déclarait avoir 14 ans dans le reportage de France 2 serait en réalité majeur. La preuve : il revient sur ces déclarations dans une vidéo tournée après la diffusion du reportage. Las, comme l’a montré « Arrêt sur images », cette vidéo a été mise en ligne par le dirigeant d’une entreprise de communication… cliente de la Socapalm (...)
La preuve du bidonnage étant une vidéo vraisemblablement bidonnée, on pensait que la discussion autour de ce reportage pouvait s’arrêter là.
Et maintenant, le tribunal de commerce
Mais la rediffusion du documentaire le 21 juillet va donner d’autres idées aux avocats du groupe Bolloré. Ils décident d’assigner France 2 devant le tribunal de commerce de Paris pour avoir « porté atteinte aux intérêts commerciaux » du groupe Bolloré (...)
Résumons : puisque sur Canal+, à l’ère Bolloré, les impertinents sont écartés, des reportages gênants supprimés et certains sujets tabous, le reportage de France 2 porte atteinte aux intérêts du groupe Bolloré en diffusant des informations que « le téléspectateur normalement avisé » estimerait ne pas pouvoir trouver sur les antennes du groupe Canal+. Produire un tel raisonnement et être prêt à le soutenir devant un tribunal n’est pas à la portée de n’importe qui ; les avocats de Vincent Bolloré méritent indéniablement leurs honoraires ...