
C’est le principal écueil de l’utopie numérique : l’humanité à laquelle elle prétend s’adresser est restreinte, peut-être même marginale. Les réseaux informatiques demeurent difficilement accessibles à des centaines de millions de personnes. Ceux qui en auraient le plus besoin sont souvent les plus défavorisés : pour de nombreux étudiants du tiers-monde, une connexion erratique constitue la seule voie d’accès aux publications scientifiques.
Wikipédia reflète cette fracture mondiale. Sur la version francophone de l’encyclopédie en ligne, 85% des visiteurs viennent d’Europe occidentale et guère plus de 2% d’Afrique subsaharienne. Le pays francophone le plus peuplé, la République Démocratique du Congo, ne représente qu’une part infinitésimale de cette fréquentation.
Des solutions commencent à émerger. La Wikimedia Foundation a ainsi mis en place depuis quelques mois un projet intitulé « Wikipédia zéro ». Il s’agit d’une version réduite de Wikipédia, accessible gratuitement sur certains réseaux de téléphonie mobile. (...)
Le projet Wikipédia zéro découle d’un constat sans appel : dans les pays en voie de développement, l’accès à Internet passe essentiellement par le téléphone portable. Cet outil de communication est bon marché (surtout lorsqu’on prend en compte les innombrables copies pirates) ; il présente de nombreuses possibilités de réutilisation et recyclage. De fait, la fracture téléphonique tend à se résorber : la plupart des abonnés viennent aujourd’hui des pays en voie de développement.
Les réseaux locaux, encore parcellaires, ne parviennent cependant pas à suivre une demande croissante. Les temps de chargement et les coûts associés sont bien souvent rédhibitoires. Internet n’existe que sous une forme anémiée, assez peu attirante. Si 85% des téléphones vendus dans le monde comportent un navigateur, seuls 15% des abonnés l’utilisent effectivement. (...)
Wikipédia zéro vise à compenser partiellement cette défaillance. Le projet repose sur une sorte de Wikipédia allégée, plus facile à charger : les images y sont absentes. Le nombre de données à transmettre diminue par conséquent d’un tiers.
Parallèlement, des partenariats ont été conclus avec plusieurs opérateurs, comme Orange au Niger ou au Kenya. Ces derniers s’engagent à ne pas faire facturer les connexions à Wikipédia zéro. Ainsi, les temps de chargement baissent significativement et, surtout, il ne coûtent rien à l’abonné.
Ce modèle a d’ores et déjà prouvé sa viabilité. (...)
Wikipédia zéro n’est pas la seule solution envisagée par la Wikimedia Foundation pour modérer la fracture numérique. L’extension du lectorat en dehors du monde développé constitue en effet une des priorités de la Wikimedia Foundation et de ses partenaires nationaux.
Wikimédia France a ainsi encouragé le développement de Kiwix, un logiciel libre permettant de consulter Wikipédia sans connexion. Kiwix a notamment été utilisé dans le cadre du projet Afripédia : la version hors-ligne de l’encyclopédie est disponible sur le Wifi local de plusieurs campus africain.
Ce projet complète adéquatement Wikipédia Zéro. (...)