
Devenu célèbre en 1824 avec son Inquiry into the Principles of Wealth [Enquête sur les principes de la distribution de la richesse], réflexion sur l’origine des inégalités économiques et sociales à l’heure du capitalisme et de l’industrialisation modernes, Thompson devient dans les années 1820 et 1830 l’une des figures centrales du premier mouvement socialiste britannique, qui se fédère alors autour de Robert Owen (1771-1858).
William Thompson demeure une figure historique relativement oubliée. (...)
Pourtant, sa pensée économique et politique le place parmi les précurseurs du socialisme britannique et européen, notamment dans la constitution de la notion de plus-value, qui sera plus tard centrale à la pensée de Marx. Auprès de Robert Owen, il fut également l’un des premiers théoriciens et militants de l’économie coopérative. Enfin, sa condamnation de la condition des femmes en son temps l’impose en tant que penseur incontournable, à replacer entre Mary Wollstonecraft et John Stuart Mill dans l’histoire du féminisme britannique. (...)
Thompson s’implique beaucoup sur ses terres afin d’améliorer les conditions de vie et de travail des paysans, et n’a donc rien d’un propriétaire absentéiste. De génération en génération, et ce jusqu’au XXe siècle, les habitants de Glandore ont perpétué la mémoire de celui que leurs ancêtres avaient jugé être le meilleur propriétaire et employeur. Thompson compte en effet rapidement parmi les légendes de la région. (...)
conscient des privilèges que lui octroyait son statut social, Thompson se décrivait lui-même comme un « membre de la classe oisive » (one of the idle classes). En 1827, il expliquera dans son pamphlet Labor Rewarded : « Au cours des douze dernières années de ma vie, j’ai vécu grâce à ce qu’on appelle une rente, c’est-à-dire le produit du travail des autres » [2]. Désireux de mettre à bas cette injustice, il souhaitait, à travers son travail intellectuel, atteindre une égalité d’utilité avec la classe productive. (...)
La première intervention écrite de Thompson dans le débat public porte sur la question de l’éducation. Membre de la Cork Institution, il reproche à cette dernière de manquer à la mission pour laquelle elle avait été créée en 1806 : l’éducation et l’instruction des enfants de Cork, notamment ceux issus de ses quartiers les plus modestes. (...)
Le « système de compétition individuelle » remis en cause (...)
Là où Bentham considérait que la législation permettrait de limiter le mal causé à autrui dans la recherche de son propre bonheur, Thompson envisage plutôt de restructurer l’essence même des institutions sociales de telle façon à ce que l’intérêt personnel coïncide avec l’intérêt général.
Il convient donc de se demander, dans la perspective de Thompson, quel système économique et quel mode de distribution des richesses seraient en mesure d’assurer le plus grand bonheur au plus grand nombre. Pour ce faire, il élabore ce qu’il nomme des « lois naturelles de la distribution », c’est-à-dire des « règles générales ou principes premiers, sur lesquels toute distribution de richesse se doit d’être fondée afin de produire la masse de bonheur agrégée la plus grande possible pour la société, grande ou petite, qui la produit » [5].
- La première de ces lois est que les travailleurs, à l’origine de la plus-value, doivent en bénéficier (notamment, car leur propre productivité n’en sera que plus grande).
- La deuxième loi stipule que tout échange doit être véritablement volontaire et non coercitif.
- La troisième précise plus particulièrement que le travail doit être volontaire. Ces lois permettront, selon Thompson, d’assurer la réconciliation entre juste distribution et production continue.
Mais cela ne peut fonctionner qu’au sein de communautés autonomes, où une population comprise entre 500 et 2000 personnes volontaires, produirait collectivement la subsistance et le confort qui leur est nécessaire. Dans ce cadre relativement restreint, afin d’en faciliter la gestion et l’organisation, la propriété privée serait abolie au profit d’une collectivisation du capital, de sorte que tous les membres posséderaient de manière égale les moyens de production et le produit de leur travail collectif. Ces communautés comprendraient également un système éducatif accessible à toutes et tous, un système d’assistance publique et un gouvernement démocratique.
Théoricien et militant du mouvement coopératif britannique au début du XIXe siècle (...)