
Le lieutenant-général Johnson Mogoa Kimani Ondieki est en disgrâce. Le commandant kényan de la force de maintien de la paix des Nations Unies au Soudan du Sud a été licencié lundi dernier par le Secrétaire général Ban Ki-Moon. Une enquête spéciale a en effet révélé que les Casques bleus placés sous ses ordres ont réagi de manière « chaotique et inefficace » aux affrontements entre les forces gouvernementales et les soldats de l’opposition qui ont eu lieu en juillet dans la capitale, Juba, et qu’ils n’ont pas su protéger les civils.
(...) Certes, les conclusions de l’enquête spéciale des Nations Unies sont choquantes. Des soldats de maintien de la paix ont abandonné leur poste. Aucun contingent n’a voulu participer à une mission de sauvetage organisée pour venir en aide à des travailleurs humanitaires et des civils dont l’hôtel, situé à un peu plus d’un kilomètre de la base, faisait l’objet d’un raid par les forces du gouvernement, et ce, même si un haut fonctionnaire du gouvernement a offert d’accompagner la force d’intervention.
Des débuts difficiles
Les auteurs du rapport ont signalé un grave manque de leadership. Mais Ondieki a probablement l’impression d’avoir été injustement traité, car les capacités d’opération de la MINUSS n’ont jamais été particulièrement fortes.
Dès le départ, la MINUSS a eu de la difficulté à recruter suffisamment d’hommes pour atteindre l’effectif autorisé. Par ailleurs, comme dans d’autres missions des Nations Unies, le commandement est compliqué par les « caveats », ces restrictions cachées qui permettent aux différents contingents nationaux d’appliquer leurs propres règles d’engagement ou de transmettre les ordres directs à leurs gouvernements nationaux respectifs pour approbation. Ces restrictions entraînent en effet souvent des délais dans l’exécution des ordres, quand ceux-ci ne sont pas tout simplement refusés. (...)
Lorsque le pays a sombré dans la guerre civile, en décembre 2013, les soldats de maintien de la paix n’ont eu d’autre choix que de se retirer dans leurs bases. L’idée était qu’ils pourraient protéger les civils des environs, mais, dans les faits, la MINUSS s’est laissé impressionner par un gouvernement qui l’accusait publiquement de soutenir l’opposition.
Une mentalité de repli
La MINUSS a adopté une mentalité de repli, choisissant de ne pas patrouiller agressivement et de ne pas défier les restrictions qui lui ont été imposées en matière de déplacements, même si celles-ci allaient à l’encontre de l’accord sur le statut des forces conclu entre les Nations Unies et le gouvernement sud-soudanais.
Au début des affrontements, des civils ont été tués par les forces du gouvernement à portée de voix des soldats des Nations Unies à Mangaten, un quartier de Juba situé tout près de la base de Tongping. Entre janvier et avril 2014, des massacres ont eu lieu à Leer, à Malakal et à Bentui – à deux reprises –, des villes où des soldats de maintien de la paix étaient pourtant stationnés.
Même dans les bases de la MINUSS, les civils n’étaient pas en sécurité. (...)
La MINUSS, qui compte 12 000 soldats, ne dispose pas d’une couverture aérienne ou d’un soutien approprié en matière d’évacuation médicale. Ses responsables ont ainsi préféré ne pas défier une armée gouvernementale et des rebelles qui n’hésitent pas à tuer des soldats de maintien de la paix ou à abattre des hélicoptères des Nations Unies. La communauté internationale a exercé peu de pressions sur Juba et n’a pas fait grand-chose d’autre pour tenter de changer les choses. Il se pourrait en réalité qu’elle n’ait pas suffisamment de poids pour le faire.
Un problème plus vaste
Le Soudan du Sud n’est qu’un exemple des défis et des obstacles auxquels sont confrontées les missions de maintien de la paix des Nations Unies. Il suffit de penser au génocide au Rwanda, à la capitulation des Casques bleus néerlandais à Srebrenica ; aux scandales de violences sexuelles et à l’incapacité répétée des soldats de maintien de la paix à protéger les civils au Congo ; et, enfin, à l’incompétence généralisée dont ceux-ci ont fait preuve au Darfour. (...)
Traditionnellement, les missions de maintien de la paix ont pour mandat de séparer des parties belligérantes ayant consenti à l’intervention. Or, de plus en plus, les Nations Unies mènent des opérations dans des pays où la paix est loin de régner. Au lieu de simplement servir de force d’interposition neutre, l’organisation est de plus en plus souvent impliquée dans les combats, comme au Mali et au Congo.
Les Casques bleus auront sans doute à jouer des rôles encore plus complexes à l’avenir. Ils seront notamment confrontés à des problèmes allant de la traite d’êtres humains au cybercrime. Mais nos attentes envers les soldats de maintien de la paix sont-elles déjà trop élevées ?
Développer de nouvelles compétences
Certains rejettent la responsabilité de l’échec des opérations de paix sur les soldats originaires des pays du « tiers-monde », qui forment le gros des missions. Cela est aussi insultant qu’inexact. Plusieurs pays du Sud ont une fière tradition de maintien de la paix. (...)