Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
de fil des Communs
Yémen. Le commerce du massacre
Clémentine Autain
Article mis en ligne le 14 mai 2019

Comment assumer un tel cynisme ? Vendre des armes à l’Arabie saoudite en prétendant qu’elles ne servent pas à massacrer au Yémen, le gouvernement le fait et l’endosse sans complexe.

Quand le députée communiste Jean-Paul Lecoq a demandé des comptes, de la transparence, sur le commerce français d’armes auprès de pays belligérants, la ministre des armées n’étaient pas présente aux questions d’actualité, bien qu’elle le fût dans la foulée à la commission de la défense de l’Assemblée nationale. C’est donc la secrétaire d’État, Geneviève Darrieussecq, qui fut envoyée au charbon. Sa réponse, digne d’un mauvais cours d’histoire, nous a offert le visage du bisounours dont nous pourrions rire si le sujet n’était pas si dramatique : « Le gouvernement n’a jamais nié l’existence d’armes d’origine française au Yémen [mais] nous n’avons pas de preuves que ces armes sont employées contre les populations civiles ». Au déni s’est ajoutée cette touche affligeante de réalpolitik : « Et croire que cet horrible conflit disparaitrait si la France mettait fin à son partenariat avec l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis est faux ».

Ce week-end dans Le Parisien, le ministre des affaires étrangères a tranquillement emboité le pas. (...)

En réaffirmant le respect de la France du Traité sur le commerce des armes et d’une « position commune européenne » (dont les exemples allemand et belge montrent à quel point elle est unanime !), le ministre des affaires étrangères s’enferme dans un choix tristement commercial au mépris de la vie humaine.

Les armes vendues par la France peuvent se retrouver sur des lignes de front, comme c’est le cas des canons Caesar dont la direction du renseignement militaire dit clairement qu’ils « appuient les troupes loyalistes, épaulées par les forces armées saoudiennes dans leur progression en territoire yéménite ». Oui, ces armes peuvent tuer, comme l’a fait le pod Damoclès en guidant un missile américain qui a causé la mort de quinze membres d’une même famille fin 2016, dont 12 enfants. Jean-Yves Le Drian assurait pourtant en février devant l’Assemblée nationale : « nous ne fournissons rien à l’armée de l’air saoudienne ». Au moment où le ministre Castaner déforme la réalité du 1er mai à la Pitié-Salpétrière à des fins de propagande et où les informations officielles se trouvent manipulées concernant les zones dangereuses au Bénin, le mensonge au sommet de l’État deviendrait-il monnaie courante ?

L’obstination du gouvernement dans ses liens aveugles avec l’Arabie Saoudite, sous couvert de lutte contre Daesh, piétine nos principes républicains. (...)

« On ne fait pas la guerre pour mettre fin à la guerre », disait Jean Jaurès. Ne l’oublions jamais.