
Quatre ans après le début de l’intervention saoudienne, la guerre civile tourne au drame humanitaire. Contre l’impunité, l’ONG de Radhya Almutawakel documente les violations de droits.
Le 26 mars 2015, une coalition militaire menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis lançait ses premières frappes aériennes au Yémen pour soutenir le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, élu en 2012, et chassé du pouvoir par l’avancée des Houthis, un groupe armé du nord, appuyés par l’Iran. L’intervention ne devait durer que quelques semaines. Quatre ans plus tard, les bombes pleuvent toujours sur les civils. Alliances renversées, multiplication des groupes armés… Si les pourparlers organisés entre les Houthis et le gouvernement en décembre dernier à Stockholm ont ravivé l’espoir d’un processus de paix, l’accord de trêve, première étape significative, peine à être appliqué. Déchiré par la guerre, le Yémen a sombré dans « la plus grande catastrophe humanitaire dans le monde », selon l’ONU. (...)
Au cœur du conflit qui s’éternise, les équipes de l’ONG yéménite Mwatana enquêtent et recensent les violations des droits humains commises par tous les belligérants. Pour ouvrir les yeux du monde sur l’horreur yéménite. Pour forcer la communauté internationale à agir. (...)
En reprenant 80 % du pays, la coalition saoudienne n’a même pas tenté de réorganiser un État, de relancer l’activité locale, d’ouvrir des postes de police… Elle l’a livré aux groupes armés. Les Houthis au nord, ces factions au sud : aujourd’hui, la totalité du Yémen est contrôlée par des groupes armés. Et cela a des conséquences dévastatrices. (...)
Dans une économie de guerre, seuls ceux qui s’engagent dans le conflit en tirent un revenu. Les autres dépendent d’une aide humanitaire qui ne leur parvient pas toujours ou meurent derrière des portes closes.
Aujourd’hui, un Yéménite sur deux souffre d’une grave insécurité alimentaire. Et il s’agit d’une famine organisée, utilisée comme arme de guerre, parce que les blocus mis en place par la coalition empêchent l’envoi d’une aide humanitaire dans les zones contrôlées par les Houthis. En outre, comme les ONG sur place le soulignent, l’aide humanitaire ne peut pas nourrir un pays. Les besoins augmentent. En 2018, on estimait que 22 millions de Yéménites avaient besoin d’une aide urgente, aujourd’hui, on parle de 24 millions de personnes [sur les 28 millions d’habitants que compte le pays – NDLR].
L’accord de trêve signé à Stockholm en décembre représente-t-il une avancée à vos yeux ? A-t-il un réel impact ? (...)
Pendant ce temps, la France exporte ses armes
Le 21 mars, douze organisations de défense des droits humains ont appelé le gouvernement français à suspendre ses exportations militaires vers l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. En août dernier, le groupe d’experts de l’ONU sur le Yémen demandait déjà à la communauté internationale de « s’abstenir de fournir des armes qui pourraient être utilisées dans le conflit au Yémen ». Des appels récurrents depuis 2015, mais le gouvernement fait la sourde oreille. Pourtant ces exportations constitueraient une violation des engagements internationaux de la France, et notamment de l’article 6 du traité sur le commerce des armes, selon l’ONG Aser. Un recours au tribunal administratif, déposé par cette organisation, est en cours depuis un an (lire Politis n° 1505, 31 mai 2018). Le juge devrait convoquer les premières auditions le 12 avril et rendre son avis prochainement.