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Zemmour partout (1/2) : quand BFMTV fait campagne pour sa campagne
/Samuel Gontier
Article mis en ligne le 5 octobre 2021

C’était il y a deux semaines. Après des jours et des jours de matraquage de BFMTV pour présenter Zemmour en candidat à la présidentielle, le CSA oblige à décompter le temps de parole de la tête de gondole de CNews, conduisant à son retrait de l’antenne. Une belle victoire pour BFMTV… qui n’en a pas moins redoublé d’efforts pour promouvoir le délinquant suprémaciste.

« Éric Zemmour plus que jamais en lice pour 2022 », assure Alain Marschall il y a deux semaines, alors que le CSA vient d’obliger à décompter le temps d’antenne de la tête de gondole de CNews. La veille, mon éminent collègue François Rousseaux m’expliquait que, si BFMTV lui consacre autant de temps d’antenne en le présentant comme quasi-candidat, c’est pour faire pression sur le régulateur et priver CNews de sa locomotive à audience… Une stratégie de pompier pyromane, me dis-je alors. Pourtant, l’annonce de la décision du CSA ne change rien : BFMTV continue de servir la soupe à l’admirateur de Pétain – pardon, au « polémiste » – et à l’extrême droite en général. Il me faut donc remplacer le mot « pompier » et constater que la chaîne de Fogiel est incendiaire pyromane.

(...) Alain Marschall suggère un complot : « Ça veut dire qu’on essaie de faire taire votre client, on essaie de manœuvrer politiquement pour l’empêcher d’avancer ? » L’avocat dénonce la constitution de « quarante-huit parties civiles dont vingt-deux conseils départementaux. Qu’ont-ils à faire, les conseils départementaux, dans un procès contre Éric Zemmour qui parle des mineurs isolés, s’il ne s’agit pas d’une volonté politique ? Que je sache, ce ne sont pas des mineurs isolés. » Non, mais ce sont eux qui ont la responsabilité de la prise en charge des mineurs isolés, ce que Marschall et Truchot se gardent bien de rappeler.

Après l’avocat du multi-condamné pour provocation à la haine – pardon, du « polémiste » –, BFMTV équilibre le débat avec un autre invité. « Benjamin Cauchy est avec nous, l’ex-Gilet jaune, soutien d’Éric Zemmour. Ça y est, c’est une bonne nouvelle, la route est dégagée pour 2022 pour Éric Zemmour ?, insiste Olivier Truchot. — Oui, c’est un obstacle en moins sur un chemin potentiel à une candidature. » Le présentateur alerte : « Éric Zemmour a réagi sur Twitter. » Cela lui vaut illico l’affichage de son tweet plein écran. Comme le misogyne accusé de violences sexuelles par plusieurs femmes – pardon, le « polémiste » – a souvent fustigé l’orientation politique des magistrats, Benjamin Cauchy se félicite : « Même des juges de gauche sont en train de le soutenir. » (...)

Des juges de gauche ? On peut en douter, si l’on se fie à leurs arguments relayés par Laurent Neumann. « Si j’ai bien lu les attendus, on dit que les propos d’Éric Zemmour ne concernent pas une communauté tout entière, tous les musulmans. Donc quand il dit que “le voile et la djellaba sont les uniformes d’une armée d’occupation”, ça veut dire qu’il ne critique pas tous les musulmans mais uniquement ceux qui portent le voile et la djellaba… Ça fait quand même beaucoup de gens. » Qui devraient porter des habits aussi chrétiens que des prénoms. « Alors qu’en première instance les juges ont considéré que c’était une exhortation à la haine », rappelle l’éditorialiste. Olivier Truchot espère : « Peut-être qu’il faudrait réfléchir sur ces lois, c’est ce qu’il tente de faire. » Bonne idée : faisons confiance à Zemmour pour réfléchir à des lois qu’il juge « liberticides ».

Entre les interventions des soutiens au suprémaciste blanc – pardon, au « polémiste » –, BFMTV se souvient qu’elle est la chaîne officielle de la Macronie (laquelle a tout intérêt à la promotion de l’extrême droite, mais c’est un hasard). Voici « Manuel Valls face à Alain Duhamel pour reparler de cet hommage à Jean-Paul Belmondo » qui s’est tenu l’après-midi. Le présentateur demande : « Peut-il y avoir pour le président de la République un quelconque effet bénéfique politique positif ? – L’effet ne peut être que positif », répond Alain Duhamel. Sa cote de popularité va crever le plafond. « Emmanuel Macron n’est pas un très grand orateur mais il prononce de très bons discours. » Parce qu’il est doté d’une suprême intelligence. « Quand il s’agit d’oraison funèbre, c’est quelque chose qu’il sent très bien avec des mots dont on voit que beaucoup sont vraiment ses mots à lui. » Les mots d’un génie. « Et là il a trouvé un bon ton. » Sans parler de sa voix envoûtante. (...)

« On voit aussi que les marottes d’Éric Zemmour sont toujours là, poursuit Benjamin Duhamel. Voilà ce qu’il dit sur la Seine-Saint-Denis, je ne sais pas si on le verra à l’écran… » Mais si, pas de souci, toutes ses saillies racistes – pardon, ses « marottes » – sont affichées en majesté. En l’occurrence : « La Seine-Saint-Denis est l’emblème de ce grand remplacement, la plupart des cafés sont réservés aux hommes par une loi non écrite. Ces enclaves étrangères vivent sous le règne d’Allah et des caïds de la drogue… » Benjamin Duhamel analyse : « Donc là on voit bien ce qu’Éric Zemmour dit sur la Seine-Saint-Denis. » Donc là on évite de préciser que ce sont des fantasmes. « Il formule aussi des propositions sur l’immigration : “Il faut tout faire pour éloigner ces envahisseurs prédateurs loin de nous.” » Ah oui, la « remigration », une proposition de crime contre l’humanité comme une autre. (...)