
Après le rabotage, voire la suppression d’émissions sur l’écologie et le féminisme, les équipes exhortent la directrice de l’antenne, Adèle Van Reeth, à se justifier.
Le répondeur de La Terre au carré, sur France Inter, c’est terminé. L’annonce a surpris les auditeurs, mercredi 25 juin, quand son producteur Mathieu Vidard a indiqué les changements à venir dans l’émission pour la rentrée : celle-ci se verra amputée de ses dix dernières minutes, dans lesquelles, outre le fameux répondeur qui au fil des années avait créé un lien fort avec les auditeurs, on retrouvait la chronique engagée « La lutte enchantée », tenue par la journaliste Camille Crosnier en alternance avec le réalisateur et militant écologiste Cyril Dion. Tandis que ce dernier partageait une fois par semaine une réflexion sur son engagement, entre volonté et doute, la chronique répertoriait de multiples combats écologistes à travers la France et le monde. Enfin, l’émission donnait aussi chaque jour la parole à des journalistes de médias spécialisés dans les questions environnementales. Ainsi déplumé, ce rendez-vous cesse aussi d’être un porte-voix de la mobilisation pour le climat. (...)
Pour avoir des nouvelles de l’état de la planète, il faudra tendre l’oreille à 6h45 : Camille Crosnier se voit confier chaque matin une nouvelle chronique de deux minutes trente sur l’écologie, sans témoignage recueilli sur le terrain, cette fois. (...)
L’écologie n’est pas la seule source d’inquiétude dans les couloirs de France Inter. Vendredi dernier, l’ensemble des équipes de la station ont fait part de leurs doutes à leur directrice, Adèle Van Reeth, et à la présidente de la Maison ronde, Sibyle Veil, quant aux orientations éditoriales à venir. Dans une lettre signée par la Société des journalistes, les producteurs, réalisateurs, programmateurs, attachés de production et techniciens ont déploré « des choix à contre-courant des évolutions de la société, pour ne pas dire rétrogrades », qui « envoient un signal inquiétant à l’heure de la défiance envers les médias et de la crise démocratique ».
Car d’autres thématiques pourraient pâtir des choix de grille faits à la rentrée, comme la diversité et le féminisme, avec la suppression de la chronique de 7h22 « En toute subjectivité », qui accueillait notamment une fois par semaine la militante féministe Anne-Cécile Mailfert et le journaliste écolo Hugo Clément. Ou encore la disparition de l’émission En marge, de Giulia Foïs, avec qui les discussions autour d’un nouveau programme n’ont pas abouti et qui quitte la station. Les équipes déplorent d’autres évolutions : la diminution du temps de parole donné aux auditeurs qui, outre la fin du répondeur, disparaissent aussi de Grand bien vous fasse !, l’émission de matinée d’Ali Rebeihi, raccourcie. (...)
La parité, par ailleurs, est au centre de leurs interrogations (...)
L’an dernier déjà, dès le mois de mai, journalistes et producteurs s’étaient inquiétés d’un « virage éditorial » dans lequel plusieurs voix engagées étaient menacées. La mobilisation était parvenue à faire bouger la direction. Aujourd’hui, celle-ci assure que l’écologie et le féminisme, qui perdent des espaces sanctuarisés, restent des thèmes traités dans l’ensemble des autres programmes, et que le débat du 7/10 (du lundi au jeudi, à 9h05) est l’endroit où peuvent s’exprimer « des voix plurielles sur des thématiques très diverses ».
Mercredi, l’ensemble de la direction de la station a reçu les représentants des différents métiers. « Est-ce qu’il y a la volonté de dénaturer France Inter, de l’emmener ailleurs ? La réponse est non. Les choix éditoriaux s’inscrivent dans cette stratégie globale, mais ils sont aussi le fruit d’énormément de compromis », a assuré Adèle Van Reeth, défendant point par point les choix faits pour la grille. « La parité est une valeur très importante de cette chaîne, on s’y tient et on s’y engage. Mais jamais aux dépens de la compétence », a par ailleurs maladroitement justifié la directrice de la station, qui estime que « le fait que Benjamin Duhamel soit un homme ne peut pas être un point bloquant ». « C’est le seul aujourd’hui à Paris en capacité de faire ça », a assuré le nouveau directeur de l’information de la station Philippe Corbé. Peu convaincus par les réponses apportées, les représentants des salariés prennent acte et attendent la rentrée pour voir quelle suite donner à cette mobilisation.