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Mediapart
Après la mise à pied du directeur de la rédaction, grève illimitée à « La Provence »
#medias #LaProvence #Macron #Saadé #libertedelapresse
Article mis en ligne le 24 mars 2024
dernière modification le 23 mars 2024

Le directeur de la rédaction de « La Provence » est suspendu après la parution d’une « une » qui a déplu au camp présidentiel. L’intervention du propriétaire Rodolphe Saadé, patron de CMA CGM, fait craindre le pire aux rédactions de BFMTV et de RMC, qu’il doit bientôt racheter.

Une « une » de journal anodine, témoignant du sentiment d’abandon et de déception des habitant·es de La Castellane après la visite d’Emmanuel Macron à Marseille, suivie de quelques réactions scandalisées d’élu·es macronistes de la région. Il a suffi de bien peu à Rodolphe Saadé pour convoquer, le matin du 21 mars, le directeur de la publication de La Provence Gabriel d’Harcourt, à la tour CMA CGM, le siège marseillais de l’armateur français et propriétaire du quotidien local.

Le message a été bien compris. Vendredi 22 mars, la première page du journal affichait un mot d’excuse de Gabriel d’Harcourt, inséré sans en avoir prévenu la rédaction. « Nous avons induit nos lecteurs en erreur, et La Provence leur présente ses plus profondes excuses », s’y désolait-il, assurant que « la une de jeudi matin a ému beaucoup d’entre vous ».

Vendredi, le patron du journal a aussi décidé de la mise à pied pour une semaine du directeur de la rédaction Aurélien Viers, jusqu’à sa convocation à un entretien préalable au licenciement. L’issue de la procédure semble déjà écrite : le responsable de la rédaction va vraisemblablement quitter son poste. (...)

« Narcotrafic 24h après la visite du Président à la Castellane : “Il est parti, et nous, on est toujours là” », titre La Provence. Ces mots sont ceux d’un habitant de La Castellane interrogé, qui regrette qu’après le passage et les annonces d’Emmanuel Macron, le quotidien des riverain·es n’ait pas vraiment changé (...)

« La citation en une et la photo d’illustration ont pu laisser croire que nous donnions complaisamment la parole à des trafiquants de drogue décidés à narguer l’autorité publique », écrit le directeur de publication dans son message d’excuse aux lecteurs paru vendredi. (...)

Le directeur de la publication justifie son message d’excuse par l’émotion suscitée chez « un certain nombre » de lecteurs de La Provence. Selon nos informations, la parution n’a en réalité provoqué aucune réaction inhabituelle. Tout juste le standard du quotidien régional a-t-il reçu une quinzaine d’appels de lectrices et de lecteurs, partagés équitablement entre reproches et compliments.

Aucune récrimination non plus du côté des messages envoyés en ligne ou des réseaux sociaux, hormis celles de quelques élu·es macronistes. (...)

« C’est une atteinte grave à notre liberté éditoriale. Derrière Aurélien Viers, c’est toute la rédaction qui est sanctionnée pour avoir fait son travail en donnant la parole aux habitants », enrage une journaliste de la rédaction, qui accuse encore le coup. « Tout le monde est profondément choqué », constate une autre. (...)

Une onde de choc ressentie jusqu’à BFMTV et RMC

« On ne peut pas laisser passer ça », tonne un journaliste expérimenté de la rédaction. Les syndicats de La Provence ont rapidement réagi en convoquant une assemblée générale vendredi midi, à laquelle les salarié·es du journal ont été nombreux à participer, signe que l’affaire est prise au sérieux, au-delà des journalistes.

Les représentant·es du personnel ont ensuite soumis à l’approbation collective une motion de défiance envers la direction du groupe, assortie d’une grève illimitée à compter d’aujourd’hui. Celle-ci a été votée à 79 %. La grève est prévue jusqu’à lundi, jour où une nouvelle assemblée générale se tiendra pour décider des suites du mouvement. Le journal ne devrait donc pas paraître au moins les trois prochains jours.

La secousse dépasse largement Marseille. La situation à La Provence est observée d’un œil inquiet par les équipes de BFMTV et de RMC, dont Rodolphe Saadé finalise en ce moment le processus de rachat à Patrick Drahi, annoncé le 15 mars. (...)