
Le 22 mai 2025, les États-Unis accusent l’armée soudanaise d’avoir utilisé des armes chimiques dans sa guerre contre la milice des Forces de soutien rapide (FSR). Aucune preuve n’a été fournie pour appuyer ces allégations, que l’armée soudanaise nie. Pour la première fois, la rédaction des Observateurs documente deux incidents survenus en septembre 2024 au nord de Khartoum. Tous les indices convergent vers des bombardements au chlore, un gaz toxique interdit par le droit international.
“Le 24 avril 2025, les États-Unis ont déterminé [...] que le gouvernement du Soudan avait utilisé des armes chimiques en 2024.” C’est sur cette phrase que s’ouvre le communiqué du 22 mai 2025 du département d’Etat américain, annonçant des sanctions économiques contre le gouvernement soudanais contrôlé par l’armée. Aucune autre précision n’est donnée pour appuyer cette décision. Le gouvernement soudanais a démenti le lendemain les accusations américaines.
Dès le 16 janvier dernier, un article du journal américain The New York Times évoquait déjà l’usage d’armes chimiques et de possibles sanctions. Ce dernier, citant des responsables américains, affirmait que la milice des Forces de soutien rapide qui affronte l’armée dans une guerre civile sanglante depuis le 15 avril 2023 aurait été visée avec des “armes chimiques sembl[ant] utiliser du gaz de chlore”. Suite à l’annonce des sanctions américaines, plusieurs médias arabophones se sont fait l’écho de ces accusations. (...)
La rédaction des Observateurs, basée à Paris, a mené l’enquête sur deux incidents survenus en septembre 2024 autour de la raffinerie pétrolière al-Jaili, au nord de Khartoum, que l’armée tentait de reprendre des mains des Forces de soutien rapide (FSR). Consultés sur les images de ces attaques rassemblées par les Observateurs, cinq experts confirment que celles-ci sont compatibles avec des largages aériens de barils de chlore. Seule l’armée soudanaise utilise au combat des avions militaires permettant ce type de bombardements.
La rédaction des Observateurs a également tracé l’origine d’un des deux barils de chlore utilisés lors de ces attaques. Importé depuis l’Inde par une entreprise liée à l’armée soudanaise, le chlore devait servir, selon le vendeur indien, “uniquement à des fins de traitement de l’eau potable”. Le chlore est une substance humanitaire critique, utilisée pour la stérilisation de l’eau au Soudan, un pays ravagé par le choléra depuis le début de la guerre civile.
L’usage du chlore à des fins militaires placerait le Soudan parmi les rares régimes à avoir utilisé ce gaz tueur rudimentaire depuis la Première guerre mondiale, lors de laquelle il a été utilisé en masse. Plus récemment, celui-ci a été employé à partir de 2013 par le régime syrien de Bachar el-Assad contre des zones contrôlées par les rebelles. (...)