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Mediapart
Assassinat à Marseille : la piste d’une opération d’intimidation contre un militant anti-narcotrafic
#Marseille #narcotrafic #resistances
Article mis en ligne le 18 novembre 2025

L’hypothèse d’un « assassinat d’avertissement » est évoquée par les enquêteurs après le meurtre du frère d’Amine Kessaci, militant politique et associatif engagé depuis quatre ans dans la lutte contre le narcotrafic. À gauche comme à droite, la classe politique fait part de son soutien et de son inquiétude.

Un jeune frère du militant du parti Les Écologistes Amine Kessaci a été tué par balles, jeudi 13 novembre en début d’après-midi, dans le IVe arrondissement de Marseille. « Un jeune homme de 20 ans, inconnu des services de police et de justice, a été tué en pleine rue de plusieurs tirs d’arme de poing », a confirmé le parquet de Marseille par un communiqué diffusé dans la soirée.

Il a été abattu dans une voiture qu’il venait de garer, par le passager arrière d’une moto qui a ensuite pris la fuite, précisent encore les services du procureur.

Le parquet de Marseille a ouvert une enquête des chefs d’assassinat en bande organisée et d’association de malfaiteurs en vue de commettre un crime. Elle est confiée à la brigade criminelle de la division de la criminalité organisée. (...)

Si la victime, Mehdi, dont l’identité a été révélée par La Provence, n’était pas connue des services de police, son grand frère Amine Kessaci est, lui, une personnalité politique très ancrée localement. Candidat aux législatives en 2024 sous la bannière du Nouveau Front populaire, et en 2022 aux élections européennes sur la liste de Marie Toussaint, il est engagé au sein des Écologistes depuis plusieurs années.
« Fabrique de vies brisées »

L’annonce de ce drame provoque un vif émoi, d’autant que la piste d’« un message adressé » à Amine Kessaci en raison de son engagement dans la lutte contre le narcotrafic est à l’étude. « Cette hypothèse est largement envisagée, même si elle n’est pas la seule », déclare Nicolas Bessone, le procureur de Marseille, à Marsactu.

Amine Kessaci est également le fondateur de l’association Conscience, structure qu’il a créée en 2021, après le « narchomicide » dont a été victime un autre de ses frères, Brahim, à la toute fin de l’année 2020. Le jeune homme, connu des services de police pour sa participation au trafic, avait été abattu et son corps retrouvé avec celui d’un autre garçon dans une voiture incendiée. (...)

Depuis, l’association Conscience œuvre dans les quartiers populaires de Marseille à la lutte contre les discriminations autant qu’elle accompagne les familles qui ont perdu un proche dans une mort violente.

Dans un ouvrage paru en octobre, Marseille, essuie tes larmes (éditions Le Bruit du monde), Amine Kessaci y retrace la trajectoire de son frère autant qu’il raconte la vie « en terre de narcotrafic ». « Le narcotrafic, écrit-il, ce n’est pas un destin. C’est une mécanique. C’est une fabrique de vies brisées. »

Dans ce récit, où il fustige l’abandon des quartiers populaires par l’État – « Nous sommes le miroir de la désolation que les gouvernements ne veulent pas voir » –, Amine Kessaci promet aussi qu’il ira chercher « justice » pour son frère Brahim, dont il qualifie la mort de « politique ». Il écrit également : « Je t’ai promis de me battre, pas contre les gamins qu’on envoie se battre. […] Non. Moi, je veux la tête de ceux qui ordonnent. De ceux qui paient, depuis Dubaï ou ailleurs, pour faire tuer. Ceux qui ne sont jamais souillés par le sang qu’ils font couler, mais qui vivent grâce à lui. Je veux qu’ils paient et ils paieront. »

« Réel point de bascule »

Depuis plusieurs semaines, comme Marsactu a pu le recouper, Amine Kessaci était ciblé par des menaces et bénéficiait d’une protection policière. Ses sorties politiques étaient d’ailleurs moins nombreuses ces derniers mois. (...)

« Si l’hypothèse d’un “assassinat d’avertissement” destiné à décourager Amine de son engagement contre le narcotrafic qui gangrène notre ville était confirmée, nous serions devant un changement de dimension absolument terrifiant, où l’on méprise la vie pour des menaces, de l’argent ou du pouvoir », dit Benoît Payan, maire divers gauche de Marseille. Il s’est rendu jeudi après-midi sur les lieux du drame, tout comme la préfète déléguée à la sécurité, Corinne Simon, qui a expliqué qu’un « dispositif de sécurité adapté a été immédiatement mis en œuvre ».

À gauche comme à droite, les réactions sont au diapason. (...)

« Ce n’est pas possible que ce genre de chose se produise dans la deuxième ville de France », souffle un cadre écologiste, qui se dit « anéanti ».