
Partout en France, l’air est plus ou moins pollué. Les gaz et particules fines sont dispersés par les vents, lessivés par les pluies, ou à l’inverse s’accumulent dans les couches basses de l’atmosphère, piégés par un anticyclone. Si ce sont les agglomérations urbaines qui suffoquent le plus, elles ne le vivent pas toutes de la même manière selon leur situation géographique : l’air est plus souvent vicié dans les cuvettes, comme celle de Grenoble (Isère), ou les étroites vallées montagneuses, à l’instar des Alpes. Au contraire, les cités des bords de mer sont plus fréquemment nettoyées par les vents.
Et les types de polluants sont très nombreux. (...)
Les campagnes sont également touchées par l’ozone des villes qui voyage, mais aussi par l’ammoniac dû à l’agriculture et à l’élevage. Il est en particulier dégagé par les engrais. (...)
Dans de telles conditions, il est très difficile de déterminer des liens de cause à effet directs entre la pollution de l’air et la santé. Santé publique France réalise régulièrement ce travail épidémiologique complexe, afin d’établir quelles catégories de maladies sont les plus fréquentes selon le type de pollution. Sa dernière étude date de janvier 2025.
Des maladies respiratoires, cardiovasculaires (...)
Neuf maladies en particulier sont étudiées : « au niveau respiratoire », le cancer du poumon, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’asthme de l’enfant et de l’adulte, les pneumopathies et les infections aiguës des voies respiratoires inférieures ; « au niveau cardiovasculaire », l’accident vasculaire cérébral (AVC), l’infarctus aigu du myocarde (IAM), et l’hypertension artérielle (HTA) ; enfin « au niveau métabolique », le diabète de type 2.
Les épidémiologistes ont pu établir, avec des preuves scientifiques solides, que l’exposition aux particules fines est à l’origine de 40 000 cas d’asthme de l’enfant (20 % du total des cas), de 22 000 cas de BPCO chez l’adulte de 40 ans (11 % du total), 4 100 cas de cancer du poumon chez les 35 ans et plus (10 % du total), 78 000 cas d’hypertension artérielle (11 % du total), 10 000 AVC (10 %), 8 100 cas d’infarctus (8,5 %), 14 400 cas de diabète de type 2 (7,5 % du total). Les données sont plus fragiles pour l’exposition à l’ozone, qui provoquerait surtout des cas d’asthme chez l’enfant et l’adulte.
Le chauffage, les chantiers, mais surtout le transport routier sont à l’origine de ces particules fines, notamment les vieux véhicules, surtout Diesel. Ainsi, la pollution est la plus forte près des grands axes routiers. (...)
En Île-de-France, les populations très défavorisées d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), mais aussi celles très aisées de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), sont toutes deux exposées à de considérables concentrations de particules fines, parce qu’elles sont encerclées par le périphérique parisien et des autoroutes parmi les plus embouteillées de France.
Seulement, concernant ces populations, d’autres facteurs jouent : les plus riches profitent de week-ends et de vacances dans leur maison secondaire, à la campagne ou à la mer. Leurs dépenses de santé sont aussi plus importantes, preuve sans doute qu’ils ont plus souvent accès à des soins de prévention, ce qui leur permet de prendre en charge plus précocement leurs maladies, y compris celles liées à la pollution de l’air.
Les bénéfices directs et indirects des ZFE
Les effets sur la santé des zones à faibles émissions (ZFE), instaurées récemment, sont encore difficiles à démontrer, car les affections apparaissent sur le long terme. Une méta-analyse britannique publiée dans le Lancet en 2023 a compilé les données les plus solides sur 320 ZFE mises en place en Europe et au Japon. Les chiffres les plus fiables viennent d’Allemagne, où les ZFE ont été développées dès les années 2000. Ceux-ci montrent une nette diminution des maladies cardiovasculaires. (...)
à Londres, dans un environnement où les véhicules sont moins présents, 42 % des enfants ont abandonné des déplacements inactifs (en voiture notamment), pour des déplacements actifs (à pied, vélo, trottinette…), au bénéfice évident pour leur santé.
Le contre-exemple vient d’Inde. Des chercheurs ont étudié les déplacements de près de 1 000 enfants de quarante et une écoles âgés de 5 à 17 ans vivant dans vingt-huit zones rurales et urbaines. Pour se protéger d’un air vicié, les enfants des villes délaissent les aires de jeux ou sportives pour s’enfermer à leur domicile. Cette sédentarité ne peut qu’accroître à long terme l’obésité et le diabète de type 2, y compris chez les enfants.
Système de santé sous tension
Diminuer la pollution de l’air aurait un autre effet, majeur, scientifiquement démontré, sur la santé mentale (...)
Les chercheurs et chercheuses préviennent : la hausse des températures sous l’effet du dérèglement climatique, encore accentué par la pollution de l’air dans les zones urbaines, mettra un peu plus sous tension le système de santé.