
Deux cent trente-neuf : c’est le nombre de jours d’âpres négociations qui furent nécessaires pour que le nouveau gouvernement fédéral nommé Arizona voie le jour. Un accord immédiatement critiqué, par l’opposition et par bon nombre de structures issues de la société civile, en particulier sur son volet asile et migration.
(...) La Ligue des droits humains parle même d’« un recul préoccupant pour les droits sociaux et pour les droits des étrangers ». C’est également le cas de deux associations, le Ciré et BelREfugees, qui alertent sur la place préoccupante des idées d’extrême droite figurant dans cet accord de gouvernement. Interview croisée de Sotieta Ngo, directrice du Ciré, et de Mehdi Kassou, porte-parole et fondateur de la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés. (...)
Pouvez-vous nous dire quel est votre sentiment par rapport à cet accord et plus particulièrement par rapport au chapitre « asile et migration » ?
Mehdi Kassou : Je pense que l’Arizona porte bien son nom. Cet accord est aride. Il est hostile au social, à la migration, aux femmes, aux personnes précaires et aux chômeurs. Nous avons un gouvernement qui annonce très clairement qu’il va cogner sur les plus fragiles. Avec l’objectif clair de renforcer les plus forts, autrement dit les plus riches. La contribution des épaules les plus larges a énormément été citée lors des négociations [de formation du gouvernement].
Et pourtant, j’ai parcouru les pages de cet accord et je ne vois pas bien où et comment l’Arizona va leur faire porter certaines responsabilités.
Je vois, par contre, de manière plus nette comment les femmes vont perdre une partie de leur pension, comment les chômeurs vont être plus facilement éjectés, comment les travailleurs précaires vont être davantage fragilisés et surtout, comment la Belgique va être encore plus inhospitalière pour les personnes étrangères. Bref, c’est assez dramatique comme première lecture. « Ce serait malhonnête de dire que c’est la première fois qu’on voit des idées d’extrême droite colorer la politique migratoire belge. C’était déjà à l’œuvre avant ce gouvernement Arizona. »
Sotieta Ngo : À la lecture des pages de cet accord, j’y ai constaté une espèce de fierté de nos autorités d’adopter un virage très sécuritaire, et même de se vanter d’adopter la politique migratoire la plus stricte que la Belgique ait connue. (...)
Vous parlez d’extrême droite. Pourquoi, alors qu’en Belgique un cordon sanitaire politique est d’application ?
Sotieta Ngo : Je m’écarte, ici, essentiellement du nom des partis politiques et des idéologies politiques portées par ces partis. Pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, je regarde principalement la nature et le fond des mesures envisagées. Cela fait un moment qu’au Ciré, nous disons que le cordon sanitaire est complètement poreux et que les idées d’extrême droite envahissent la politique migratoire. Qu’est-ce qui nous fait dire ça ? Ce sont avant tout les mesures qui sont portées.
C’est se permettre de s’asseoir sur les droits des personnes. C’est le fait que la politique de non-accueil assumée par le gouvernement Vivaldi a laissé des hommes demandeurs d’asile à la rue en l’assumant, au dépit de la loi et des condamnations de justice.
Pour moi, cette politique me permet de faire un parallèle avec l’attitude d’un gouvernement comme celui de Viktor Orbán, de Donald Trump. Donc, appliquer des mesures qui stigmatisent et laissent volontairement de côté les personnes étrangères, et ce, en tirer un bénéfice électoral en agitant les peurs et les craintes, bien souvent légitimes, de la population : ce sont les partis d’extrême droite qui portent ça. (...)