Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Affordance/Le blog d’un maître de conférences en sciences de l’information.
Bétharram et le chaudron magique de ChatGPT.
#Betharram #Bayrou #ChatGPT
Article mis en ligne le 20 février 2025

Le 10 février 2025, France Info posait la question : « les IA conversationnelles comme ChatGPT sont-elles fiables ? »

Le 16 février, dans une séquence dont le replay semble avoir été supprimé, France Info répondait à la question via une consultante en communication (ancienne candidate LR), qui lors d’un plateau au sujet de l’affaire Bétharram déclarait : « Même si vous demandez aujourd’hui à l’intelligence artificielle son avis sur le sujet, (…) même l’intelligence artificielle exprime qu’il y a une récupération et une instrumentalisation politique de l’affaire Bétharram. »

Ite, missa est. L’IA est donc fiable.

La séquence a été repérée et isolée par le journaliste politique Nils Wilcke depuis ses comptes X et Mastodon. Elle est depuis devenue relativement virale sur différents médias sociaux. (...)

(...) Une chaîne d’information, un fait divers qui devient un fait politique, un.e consultant.e, un plateau de débat, en présence de journalistes. Et le recours à ChatGPT (qui n’est pas directement nommé dans la séquence mais qui est immédiatement convoqué dans l’esprit de toute personne la visionnant).

C’est à ma connaissance la première fois que sur une chaîne d’information, en présence de journalistes, à l’occasion d’un fait divers devenu fait politique, on explique et explicite que l’on peut donc, primo, « demander son avis (sic) » à ChatGPT, et deuxio, considérer que cet avis dispose d’une quelconque valeur de preuve. (...)

« L’avis » de ChatGPT c’est tout à la fois « l’avis » de l’air du temps et de celles et ceux dont les avis ont été les plus repris et en résonance dans les médias dont se nourrit (et que pille) ChatGPT.

Une expérience (scientifique cette fois) a récemment eu lieu dans laquelle on essayait non pas de connaître « l’avis » des générateurs de texte mais d’analyser de quel programme et de quel candidat politique ils étaient le plus proches et reflétaient le mieux les opinions, et donc de quelles « perspectives politiques » ils se faisaient les pourvoyeurs. (...)

se servir de ChatGPT pour « avoir son avis » c’est comme se servir du premier résultat de Google sur la requête « migraine » ou « douleur abdominale » pour « énoncer un diagnostic médical« . Dans les deux cas, c’est l’équivalent de partir en plongée sous-marine avec un équipement de ski en pensant que tout va bien se passer au motif que sous l’eau comme en altitude, l’air se fait plus rare. (...)

Cette séquence de France Info ou une consultante raconte avoir sollicité l’avis de ChatGPT et en fait part comme « simple » élément de preuve au beau milieu d’un parterre de journalistes qui semblent trouver cela « amusant » est un nouveau Bad Buzz pour France Info, après l’épisode déjà totalement lunaire et ahurissant de ce plateau où un expert du camping (ou de l’immobilier je ne sais plus) était invité pour « discuter » de la possibilité de faire en effet de Gaza une nouvelle Riviera. France Info qui par ailleurs dispose de journalistes, de rédactions et de formats tout à fait capables d’éclairer le débat public (mais qui vient d’écarter son directeur). (...)

Lire aussi :

 (CF Editions)

Les IA à l’assaut du cyberespace
Vers un Web synthétique
Olivier Ertzscheid

« Le projet des grands capitaines d’industrie de la Tech, de Zuckerberg à Musk, n’est plus de permettre à l’humanité de se parler ni même de dialoguer avec des robots, mais de permettre à des robots de nous indiquer quoi faire, que dire et où regarder. »

A l’heure de ChatGPT, la langue elle-même est devenue une production industrielle, accompagnant l’émergence d’un capitalisme linguistique. Olivier Ertzscheid part des usages de ce qu’on appelle abusivement « intelligence artificielle » pour en démonter les mécanismes (...)

Olivier Ertzscheid est chercheur en sciences de l’information et de la communication. Il enseigne en tant que maître de conférences à l’université de Nantes. Il analyse en temps réel les évolutions du Web sur son blog affordance.info.