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Mediapart
Bétharram : les « preuves absolues » de François Bayrou démenties par de nouveaux documents
#Betharram #Bayrou #Mediapart #enseignementprive #viols #agressionssexuelles #maltraitances
Article mis en ligne le 2 juin 2025
dernière modification le 31 mai 2025

Le premier ministre a publié sur son site puis transmis à BFMTV des « preuves » présentées comme exclusives et supposées montrer qu’il n’a jamais menti. En réalité, tous ces documents sont déjà connus et ne le dédouanent absolument pas. François Bayrou a aussi omis tous les éléments mettant à mal sa version.

François Bayrou a « les preuves ». Comme lors de son audition devant la commission d’enquête, le premier ministre le jure, il a les preuves qu’il n’a pas menti sur ce qu’il savait des violences physiques et sexuelles à Notre-Dame-de-Bétharram. Il les a même publiées sur son site (bayrou.fr, inaccessible à l’heure où nous publions) vendredi avant de subir une attaque informatique et de finalement les transmettre à BFMTV.

« Nous avons mis ces documents en ligne vendredi soir. Et puis dimanche, il y a eu une cyberattaque massive pour faire sauter le site. Et le site a sauté ! », a expliqué François Bayrou sur BFMTV mardi 27 mai, assurant avoir mis à disposition des Français·es « la preuve absolue par des documents que toutes les accusations étaient fausses ». (...)

Après avoir annoncé déposer plainte, le chef du gouvernement a ensuite versé dans le complotisme. (...)

Le lendemain, le premier ministre a donc transmis les mêmes éléments à la chaîne d’information. « On trouve dans les textes transmis à BFMTV et RMC “des faits et documents” qui “ont été difficiles à faire apparaître”, assure le centriste », peut-on lire sur le site de la chaîne.

En réalité, ces éléments publiés par BFMTV ou le contenu de son site, toujours consultable sur Waybackmachine, ne montrent aucune « preuve absolue » ni aucun document exclusif. Tous avaient été révélés par la presse ou mentionnés par les rapporteurs de la commission d’enquête.

Sur son site, le maire de Pau liste donc six accusations qu’il présente, à tort, comme « démenties ». François Bayrou aurait agi, n’aurait pas menti ni attaqué la première lanceuse d’alerte. Il n’aurait pas échangé d’informations couvertes par le secret de l’instruction avec le juge Mirande et ne serait pas intervenu en faveur du père Carricart, ancien directeur mis en examen pour viol. Enfin, le surveillant reconnu coupable d’avoir perforé le tympan d’un élève en 1996 aurait bien été licencié par l’établissement.

Problème : toutes ces informations sont fausses ou non démenties, soit parce qu’il ment, soit parce qu’il omet plusieurs informations ou documents. Mediapart les passe au crible.

François Bayrou savait et n’a rien fait

Sur son site, comme devant la commission, le premier ministre maintient n’avoir été informé « que par la presse » des violences dénoncées en 1996 et en 1998 à Notre-Dame-de-Bétharram, établissement catholique dans lequel sa femme a enseigné la catéchèse et où ses enfants étaient scolarisés. Mais cette affirmation reste mensongère puisqu’il disait tout l’inverse avant le 14 mai.

Il niait catégoriquement avoir été informé de la moindre violence, sexuelle ou physique en février 2024 dans Le Point, en mars 2024 dans Le Monde ou dans Le Parisien. Puis le 11 février, devant la représentation nationale, lorsqu’il affirmait tout ignorer, et le 12 février, lorsqu’il répétait n’avoir « jamais » été « averti en quoi que ce soit ».

« J’ai vu et je suis intervenu », se vante-t-il désormais. Pour appuyer ce revirement, François Bayrou évoque sur son site l’inspection administrative diligentée en 1996 après la plainte de Marc Lacoste, un élève ayant eu le tympan perforé par les coups d’un surveillant. Aujourd’hui, le premier ministre affirme que le rapport rendu est « parfaitement clair », qu’il ne relevait « pas d’autres faits de violences, bien au contraire », et que l’auteur a même passé du temps sur place en échangeant « avec une vingtaine de personnes ». « Je trouve, moi, que c’est une vraie vérification », a-t-il osé dire à l’Assemblée.

Le maire de Pau travestit totalement la réalité et oublie de préciser que l’inspecteur reconnaît lui-même que ce rapport était totalement bâclé et que les élèves auditionnés avaient tous été sélectionnés par le directeur de l’établissement mis en cause. Surtout, le rapport, qu’il dit aujourd’hui n’avoir pas lu intégralement, confirme bien les coups du surveillant ayant perforé le tympan de l’élève et le fameux supplice du perron.

À l’époque, l’élu palois s’était rendu quinze jours après à Bétharram pour défendre l’établissement, malgré ces éléments accablants. Il ne semblait pourtant rien ignorer des sévices physiques qui pouvaient avoir lieu. Dans un document du conseil d’administration de Bétharram obtenu par la commission, le père Landel, directeur de l’institution, expliquait après cette inspection qu’il allait falloir « mener une réflexion sur la violence, demandée par M. Bayrou ».

Sur les violences sexuelles, le premier ministre explique là encore qu’il avait finalement bien été alerté, mais seulement lorsque la presse a rendu « compte de la mise en examen et [de] l’incarcération » du père Carricart. (...)

Le surveillant n’a pas été licencié après sa condamnation

Sur son site, François Bayrou répète ce qu’il a affirmé sous serment le 14 mai en expliquant que Marie-Paul de Behr, surveillant condamné en 1996, avait été licencié dans la foulée. « La bonne foi du premier ministre lors de son audition le 14 mai 2025 ne peut donc pas être remise en cause », précise François Bayrou, citant une lettre du directeur de Bétharram disant se séparer de ce surveillant.

Cette affirmation est totalement fausse puisque le surveillant n’a pas été licencié dans la foulée. « Entre 1997 et 1998, ce surveillant est toujours présent à Bétharram, ayant même obtenu une promotion », devenant conseilleur principal d’éducation (CPE), a d’ailleurs rappelé Alain Esquerre, porte-parole du collectif de victimes auprès du Parisien. (...)

Comme l’a révélé Libération, Marie-Paul de Behr est en effet toujours mentionné dans les effectifs pédagogiques de l’école pour l’année 1997-1998, des éléments confirmés par des courriers de l’association de parents d’élèves, et la gazette de l’institution indique même qu’il est toujours membre de l’équipe éducative en 1998.

François Bayrou s’attaque bien à une lanceuse d’alerte (...)

François Bayrou a pu bénéficier d’informations privilégiées en violation du secret de l’instruction (...)

François Bayrou a pu intervenir en faveur du père Carricart (...)