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Biolait, un groupement de producteurs à l’opposé de la multinationale Lactalis
#Biolait
Article mis en ligne le 3 décembre 2024
dernière modification le 29 novembre 2024

Créé il y a 30 ans par une poignée d’éleveurs, Biolait collecte aujourd’hui le lait de 1200 fermes situées partout en France. Alors que Lactalis a annoncé cesser ses contrats dans des centaines de fermes, les éleveurs de Biolait sont protégés.

Maîtriser la collecte du lait et avoir la main sur les prix : telles étaient les motivations des six éleveurs qui ont créé Biolait en 1994 dans l’ouest de la France. 30 ans plus tard, cette maîtrise des coûts de commercialisation reste centrale pour les producteurs et productrices qui choisissent cette organisation pour collecter leur lait et le vendre. (...)

Chaque jour, la trentaine de chauffeurs de Biolait parcourent les routes de France pour collecter le lait d’environ 1200 fermes. « Nous achetons le lait de nos adhérents et charge à nous, ensuite, de le vendre au meilleur prix », résume Philippe Marquet, éleveur dans la Loire, et président de Biolait depuis le printemps 2024.

« Biolait peut revendre du lait à Sodiaal [une autre coopérative laitière], à Danone, à un petit transformateur local, etc. On négocie les prix avec chacun, en tenant compte du prix de production », précise Pierrick Berthou, installé dans le Finistère depuis 1985. Il travaille avec sa compagne Aurélie, ont converti leur ferme au bio en 2014 et sont collectés par Biolait depuis 2016

Contrairement aux grandes laiteries industrielles, qui optimisent au maximum le coût de leurs collectes et ne passent que là où c’est rentable (c’est-à-dire des territoires simples d’accès où se concentrent de grandes fermes), Biolait ramasse le lait partout en France et garantit un prix stable et identique pour tous les éleveurs quel que soit le lieu de la ferme et le volume collecté. (...)

« Les producteurs et productrices prennent collectivement toutes les décisions stratégiques et politiques du groupement, explique Sonia Fretay. Lors de l’assemblée générale annuelle, chaque ferme a une voix et peut dire oui ou non aux propositions du conseil d’administration (15 membres tous éleveurs ou éleveuses, ndlr). Tout est dit et expliqué sur les conditions de fixation des prix. Rien n’est caché à personne. Je n’ai jamais vu ça nulle part dans le milieu. »

Quand on évoque avec elle l’actualité récente du géant Lactalis (qui a annoncé fin septembre la suspension de la collecte de lait dans plusieurs centaines de fermes d’ici deux petites années), Sonia Fretay se dit atterrée : « C’est un collègue qui a m’a avertie quand on était au salon de la bio. ça m’a touchée, évidemment. La fin de la collecte du lait, c’est un peu la fin du travail… » Être chez Biolait la protège de ce risque. « Jamais nous ne nous arrêterons de collecter. C’est aux antipodes de notre projet politique, à savoir la bio partout et pour tous », assure Philippe Marquet. (...)

Aller chercher le lait partout en France, y compris dans les zones montagneuses, cela a coût, évidemment, d’autant plus élevé que les prix du carburant augmentent. (...)

« Mais en fin d’année, tout ce qu’on aura pu générer en plus-value, en renégociant avec nos clients par exemple, va être repartagé aux adhérents. » (...)

« À cause de la LMA [loi de modernisation de l’agriculture] mise en place en 2010 par Bruno Lemaire, alors ministre de l’Agriculture, et la FNSEA, les producteurs sont obligés de signer des contrats avec les collecteurs, mais sans qu’aucun prix ne soit garanti. Même pas un prix minimum ! C’est complètement inique », s’insurge Pierrick Berthou.

D’autant plus inique que le mouvement social de 2009 qui a précédé la mise en place de cette loi avait été déclenché par un prix historiquement bas du lait. (...)

Basée sur le pâturage, qui évite l’achat d’aliments, et n’achetant ni engrais chimiques, ni OGM, ni pesticides de synthèse, les fermes Biolait ont des coûts de production généralement moins importants que leurs collègues conventionnels. Les troupeaux sont en moyenne plus réduits, le matériel moins conséquent et les emprunts - fléau de tant d’agriculteurs - sont plus modestes. (...)

« Beaucoup des grévistes de 2009 sont passés en bio, retrace Sonia. Et ils sont chez allés chez Biolait. Aujourd’hui, je suis moins bien payée, mais je sais pourquoi. Je sais que ça se démène du côté du conseil d’administration pour que nos prix augmentent. Les producteurs ont un vrai pouvoir de négociation. » Selon Pierrick Berthou, « c’est un modèle dont les industriels ne veulent surtout pas. Le pouvoir des producteurs leur fait peur. D’ailleurs, je suis convaincu qu’ils ont créé des filières bio pour contrer Biolait qui, pendant des années a été le meilleur payeur de la filière. Puis, les industriels s’en sont mêlés et ils ont mis le marché par terre. »

Besoin pressant d’aides publiques

« Depuis 2021, on subit de plein fouet la crise du lait bio, à cause de la chute de la consommation, remarque Philippe Marquet. Comme nous sommes un groupement 100 % bio, cette baisse de la consommation nous affecte particulièrement. » Résultat : le groupement doit écouler une partie du lait en conventionnel, avec une moindre rémunération. Coincés par des prix trop faibles, un certain nombre de producteurs ont quitté Biolait ces derniers mois. « Nous avons aussi un certain nombre de fermes qui ne trouvent pas de repreneurs. Les départs à la retraite non remplacés, cela concerne aussi les agriculteurs bio », précise Philippe Marquet.

Pour le président de Biolait, une partie de la solution à la crise du lait bio se trouve du côté du respect de la loi sur l’alimentation dite « Egalim ». « On devrait être à 20 % d’aliments bio dans la restauration collective et on est à 6 %. Cent millions de litres de lait pourraient être valorisés par ce biais là (soit 10 % de la production annuelle du pays), cela aiderait grandement la filière à aller mieux. » (...)

Le bien-être au cœur du modèle

« Biolait ce n’est pas qu’un collecteur, c’est tout un projet de société, pense Sonia, dont la ferme vient d’être primée pour une installation améliorant les conditions de vie des veaux. Il y a aussi une réflexion sur le bien être des éleveurs. » Dans la ferme de Sonia, Alain et Sébastien, le sujet a toujours été prioritaire. « Dès que je me suis installée, on a mis en place le principe d’avoir un week-end sur deux, relate Sonia, qui tenait absolument à passer un maximum de temps avec ses quatre enfants. C’était totalement atypique dans le coin. »

Soucieux d’augmenter leur temps libre, ils ont décidé, il y a deux ans, de passer en mono-traite, se libérant ainsi de la contrainte de la traite du soir. « On a moins de lait, évidemment. Mais la perte de volume est partiellement compensée par la grille d’achat de Biolait qui évolue nettement en fonction du taux de matière grasse du lait », explique l’exploitante. Or, ce taux augmente quand on ne trait les vaches qu’une fois par jour. (...)