
Un équipage composé de militantes s’apprête à traverser l’Atlantique en voilier, pour rejoindre la COP30. Parmi elles, Maïté Meeûs et Mariam Touré, dont les combats féministes et antiracistes viennent élargir le récit écologique.
(...) les initiatrices du Women Wave Project ont déplié leur projet : quitter Saint-Nazaire mercredi 8 octobre, traverser l’Atlantique en voilier et rallier Belém, en Amazonie, pour la COP30. Trois semaines de navigation, une escale au Cap-Vert, et une ambition qui dépasse la performance maritime : transformer ce voyage en action politique et en récit collectif, tissé de sororité. Au-delà des revendications — sortie des énergies fossiles, respect des engagements climatiques — il s’agit de rappeler que le climat n’est pas seulement affaire de chiffres et de négociations, mais aussi de dignité et de justice.
À bord, des skippeuses aguerries et six militantes issues de combats différents. Parmi elles, Adélaïde Charlier et Camille Étienne, figures reconnues de la jeunesse engagée pour le climat. À leurs côtés, deux femmes qui portaient, à l’origine, d’autres batailles : la Belge Maïté Meeûs, connue pour son engagement féministe, et la Française Mariam Touré, militante des droits humains. Leur présence incarne un entrelacement des luttes qui s’affirme : écologie, féminisme, antiracisme, justice sociale. (...)
À 27 ans, la Belgo-indienne voit dans Women Wave une continuité : « Les femmes sont souvent en première ligne face aux crises écologiques et sociales, mais leurs voix sont invisibilisées dans les grands sommets internationaux. Il est temps de les mettre au centre. » (...)
La crise, dit-elle, s’inscrit dans les corps. Dans les violences qu’ils subissent et que les catastrophes aggravent : « Les violences domestiques se multiplient, la prostitution de survie s’impose, les agressions sexuelles se répandent dans les camps de déplacés, parfois utilisées comme arme pour terroriser des populations entières, notamment dans les zones d’extraction minière comme en République démocratique du Congo. »
Le patriarcat et l’extractivisme, poursuit-elle, sont « les deux faces d’une même pièce » : « Ils obéissent à la même logique : considérer les corps des femmes et la terre comme des ressources exploitables, disponibles, infinies. » (...)
« Comment espérer des politiques justes si la moitié de l’humanité n’est pas représentée à la table des négociations ? » s’insurge Mariam Touré, 23 ans. Née en 2002 en Côte d’Ivoire, en pleine guerre civile, elle a grandi en France dans des quartiers populaires de la région parisienne, avant de s’installer à Bruxelles pour des études de droit international. Elle s’est spécialisée dans la défense des minorités racisées.
Son récit est ancré dans la fierté des origines : un père mécanicien poids lourds, une mère femme de ménage. (...)
À Belém, la COP30 marquera les dix ans de l’Accord de Paris. Pour la première fois, une conférence mondiale sur le climat se tiendra au cœur de l’Amazonie, dans un contexte d’événements extrêmes en cascade et alors que les États-Unis se sont retirés du processus. La présence massive des lobbies fossiles — plus de 1 770 représentants à la COP29 — nourrit chez elles le sentiment d’un espace confisqué. (...)
À Belém, l’équipage sera aussi présent au Sommet des peuples, organisé en parallèle par des communautés autochtones et des organisations du Sud. « C’est essentiel de s’organiser ensemble, dans une logique multilatéraliste et avec celles et ceux qui subissent le plus », insiste Mariam.
Le projet a pourtant failli chavirer. Cinq jours avant le départ, le Women Wave Project a perdu son navire, victime d’une avarie. Grâce à une campagne de financement participatif, et au soutien d’organisations comme Amnesty International Belgique francophone, Amnesty France, la Fondation P&V, Surfrider, Veja, le CNC Talent et la Vault Galerie, elles ont trouvé un autre bateau — plus cher, mais prêt.
Concernant le retour, il n’est pas exclu qu’il se fasse en avion. « Au niveau des conditions météorologiques, à cette période de l’année, ce serait beaucoup plus difficile et plus "sport" que l’aller, reconnaît Camille Étienne. On va tout faire pour trouver un moyen de rentrer sans avion, mais à ce jour rien n’est sécurisé. »