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chantage à l’emploi orchestré… par le patron, et jeu de dupes sur la TNT
/LCI
Article mis en ligne le 10 septembre 2014

Le CSA a refusé au groupe TF1 le passage de sa chaîne info LCI sur la TNT gratuite. L’emploi des 247 « collaborateurs » [1] est maintenant menacé par la direction. Encore inachevé, le dossier a, au long des mois, révélé le cynisme des uns, et l’hypocrisie des autres.

(...) Lors d’une audition devant le CSA, le 7 mai, Nonce Paolini déclare : « LCI aura bientôt vingt ans. Et vingt ans, ce n’est pas un âge pour mourir ». Dans la presse, il multiplie les déclarations affirmant que si LCI ne devient pas gratuite, il n’aura « d’autre choix » que de la fermer, mettant près de 247 collaborateurs (dont 130 salariés) sur le carreau. Prise en otage de ses employés ? Littéralement, oui. Car il revient alors au CSA de trancher, et Nonce Paolini est clair : si le CSA dit non à une LCI gratuite, il tuera la chaîne.

Le 29 juillet, le Conseil rend publique sa décision, qui vaut aussi pour Paris Première (groupe M6) et Planète+ (groupe Canal+), elles aussi demandeuses de gratuité, mais pas avec une menace similaire. La réponse du CSA est négative, au motif que LCI déséquilibrerait le marché publicitaire des chaînes d’information gratuite, déjà partagé entre BFM TV (groupe NextRadio TV) et i-Télé (groupe Canal+), et, dans une moindre mesure, L’Equipe 21. Le CSA estime par ailleurs que la ligne éditoriale de la chaîne ne garantirait pas un apport pour le pluralisme de l’information. Une fois n’est pas coutume : applaudissons le CSA : BFM-TV et i-Télé sont des faux jumeaux. Qu’apporterait un triplé, surtout si le « mieux disant informatif » de LCI est aussi performant que le « mieux disant » culturel, promis par Bouygues lors de la privatisation de TF1 ?

Où le PDG s’invite au JT

L’histoire devient alors rocambolesque : le soir même de ce fatal 29 juillet, Nonce Paolini s’invite en ouverture du JT de TF1 pour déplorer la décision du CSA. Soudain ému par le sort qu’il réserve aux salariés, il joue la carte sentimentale : « Quand je les vois [les collaborateurs de la chaîne], je peux vous dire que ça me touche énormément. Ce sont des gens que j’aime, ce sont des gens que j’ai recrutés pour un certain nombre d’entre eux, et que je suis avec beaucoup de passion ». Difficile, devant 7 millions de téléspectateurs, d’affirmer que son devoir de « capitaine d’industrie » lui imposera de fermer la chaîne : sans connaître les revenus du groupe TF1 (137 millions d’euros de bénéfice en 2013), chacun peut imaginer que la première chaîne de France n’est pas pauvre. Il promet désormais de trouver « les solutions les moins dramatiques sur le plan social ». « On est tous sous le choc d’une décision qui met définitivement en péril l’avenir de LCI », conclut-il.

Et les syndicats ? La position de l’intersyndicale (CFTC-CFDT-CGC-CGT-FO) a de quoi étonner. Alors que le PDG, depuis plusieurs mois, semble n’avoir aucune considération pour les salariés de LCI qu’il promet à une mort certaine ; alors que seul ledit PDG a entre ses mains l’avenir de la chaîne ; et alors que ce même PDG laisse maintenant planer la menace d’un plan social, leur colère se porte sur… le CSA (...)

Un constat en tout cas : toujours prompts à réclamer des « assouplissements » de la réglementation, à affirmer qu’il faut de la concentration pour que le marché reste « sain », les groupes privés de l’audiovisuel français changent de braquet aussitôt que leurs intérêts sont en cause. (...)

Et maintenant ? À l’heure où nous écrivons, le dossier n’a guère avancé. Plusieurs pistes sont envisagées pour l’avenir de LCI. S’il est acté que la chaîne va cesser ses activités sous leur forme actuelle, il n’est pas exclu qu’une partie de l’équipe serve à fonder une sorte de « newsroom » chargée d’alimenter le site de TF1, ou que la chaîne se porte candidate à une fréquence sur la TNT gratuite d’Ile-de-France. Les actionnaires du Monde, le trio Mathieu Pigasse - Pierre Bergé - Xavier Niel, se montrent sérieusement intéressés pour une reprise ; mais Nonce Paolini un peu moins par leurs avances. Quoi qu’il en soit, il est acquis qu’un plan social aura lieu.