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le vent se lève
Colombie : mettre fin à la « guerre contre la drogue »
#Colombie #drogue
Article mis en ligne le 6 avril 2024
dernière modification le 4 avril 2024

Des centaines de milliers de victimes, une prolifération de groupes armés et une consommation toujours croissante de stupéfiants : la « guerre contre la drogue » en Colombie détient un sinistre bilan. Durant des décennies, les gouvernements successifs ont adopté une approche répressive, avec des résultats similaires. Gustavo Petro, président du pays depuis août 2022, entend rompre avec cette logique.

(...) un pays qui est le premier producteur mondial de cocaïne, et était l’allié le plus proche des États-Unis dans sa lutte contre le trafic. Pour l’ancien guérillero devenu président, l’approche « militaire » de la lutte contre la drogue a accouché de rien de moins qu’un « génocide », qui a coûté la vie à « un million de Latino-américains ».

Sous le titre un titre poétique – « semer la vie, bannir le trafic de drogue » -, le gouvernement a présenté une feuille de route visant à définir les grands axes de sa politique anti-drogue jusqu’en 2033. Le nouveau plan partage bien certains objectifs avec les précédents : éradication de quatre-vingt-dix mille hectares de culture illégale de feuilles de coca, réduction de la production de cocaïne de 43 %, etc. Pour autant, son approche marque une rupture nette, l’objectif étant que la grande majorité des hectares soit éradiqué volontairement, par la promotion d’alternatives pour les agriculteurs qui cultivent la feuille. (...)

« Petro a déclaré qu’il ne combattrait pas les petites cultures ; il s’attaquera aux cultures industrielles. Quant aux petites cultures : soit elles sont volontairement remplacées, soit elles demeurent telles quelles », explique Sandra Borda, politologue à l’Université des Andes. « Avant, nous combattions toutes les cultures illicites, y compris celles des petits agriculteurs, et cela créait de graves problèmes et des conflits à répétition entre les communautés et l’armée. Sans jamais faire reculer le trafic. »

Aujourd’hui, environ 115 000 familles vivent de la culture de feuilles de coca. L’objectif affiché du gouvernement est d’en faire transiter la moitié vers des activités licites – culture de la feuille à des fins de consommation légale, reconversion vers un rôle de garde forestier pour prévenir la déforestation, etc. (...)

Cette stratégie n’est pas neuve ; elle faisait partie intégrante des accords de paix entre l’État et les guérillas des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) signés en 2016. Malgré ceux-ci, les zones de culture de coca n’ont cessé de croître selon les estimations de l’ONU : abandon volontaire et éradication forcée semblent tous deux avoir échoué. Sept ans plus tard, l’un des dirigeants d’une municipalité où la substitution des cultures a été d’abord tentée a déclaré que « les engagements convenus avec le gouvernement n’ont pas été respectés – les grands projets productifs ne se sont jamais matérialisés. » Autrement dit : en l’absence d’alternatives économiques, certaines familles sont revenues à la culture de la coca, et les groupes armés sont réapparus. (...)

Défi supplémentaire : « les communautés paysannes continueront à être à la merci de l’ordre social imposé par les groupes armés » qui contrôlent les zones de culture de coca, selon Ana María Rueda, membre de la Fondation des idées pour la paix. De fait, certains volontaires du programme de substitution des cultures ont été assassinés par des paramilitaires ou des groupes dissidents des FARC… (...)

La nouvelle politique anti-drogue cherche à sortir d’une logique de pure répression. Le gouvernement a affiché une volonté de négocier avec les trafiquants – stratégie que Cepeda estime judicieuse : « La politique de la main de fer s’est avérée inefficace ; négocier est sûrement un moyen plus efficace de traiter le problème ».

La recherche d’accords de désarmement avec les organisations armées s’inscrit dans la logique de « paix totale » portée par Petro. (...)

Notamment : restitution des biens, versement des réparations aux victimes, acceptation de leur responsabilité pénale », selon les mots du ministre de la Justice Néstor Osuna.

La répression contre les cultivateurs de coca n’a pas seulement entraîné de nombreuses pertes humaines : de graves dommages ont été infligés à l’environnement, qui découlent notamment de l’épandage des cultures de coca avec du glyphosate, substance classée comme « probablement cancérigène » par l’Organisation mondiale de la santé. Le président conservateur Iván Duque (2018–2022) a acheté 263 000 litres de cet herbicide moins de deux semaines avant que Petro – qui a refusé de l’utiliser – ne prenne ses fonctions. « Les politiques précédentes considéraient ces problèmes [environnementaux] comme des dommages collatéraux », note la politologue Sandra Borda, qui qualifie par contraste la nouvelle politique de « globale ».

Le plan du gouvernement vise également à changé l’approche à l’égard des usagers. « La consommation problématique doit être traitée par des centres d’approvisionnement contrôlés, avec un soutien thérapeutique et sanitaire », déclare le ministre Osuna. (...)