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Comment le lobby des tracteurs tisse sa toile dans l’enseignement agricole
#agriculture #tracteurs #lobbys
Article mis en ligne le 1er mars 2025
dernière modification le 26 février 2025

Le lobby des constructeurs de machines agricoles, Axema, a trouvé un moyen imparable pour pousser le secteur agricole à toujours plus se mécaniser et à s’endetter : ce sont les constructeurs eux-mêmes qui forment les enseignants en agroéquipement.

Du tracteur classique au pulvérisateur, en passant par les moissonneuses-batteuses, la mécanisation à outrance des fermes signifie aussi davantage d’endettement, avec le risque d’une spirale infernale. D’autant que tout est fait pour que les agriculteurs se suréquipent en machines.

« Deux tiers des machines agricoles sont superflues », alerte la fédération nationale des Cuma, les coopératives d’utilisation de matériel agricole, qui encouragent le partage. Résultat : le budget consacré aux machines agricoles représente en moyenne un quart des charges dans les fermes françaises. (...)

Le suréquipement, ce sont des machines agricoles qui ne sont pas utilisées à la hauteur de l’investissement. C’est par exemple « avoir une moissonneuse-batteuse en propre alors qu’on peut la partager à au moins quatre », illustre le médiateur.

Des formateurs rémunérés par les industriels

À l’échelle nationale, moins de 10 % seulement des machines agricoles sont mutualisées entre agriculteurs. Cette mutualisation n’est absolument pas dans l’intérêt économique des constructeurs. Ceux-ci sont représentés par une discrète mais puissante organisation patronale, Axema. Regroupant près de 250 constructeurs et importateurs de machinerie agricole, ce groupement pousse à ce que chaque exploitation investisse dans son propre matériel. (...)

Axema a trouvé un moyen imparable pour entretenir la fascination pour le matériel agricole, dès le lycée agricole. Ce sont les constructeurs qui forment les enseignants en agroéquipement, celles et ceux qui seront ensuite chargés de former les jeunes agriculteurs et agricultrices en matière de machines agricoles. Axema assume complètement ce rôle.

Le syndicat est membre de l’Aprodema, une association qui organise chaque année, depuis plus de vingt ans, des universités d’été à destination des enseignants en lycée agricole ou professionnel, des maisons familiales rurales ou bien des centres de formation agricole. Le but est explicite : « Les informer sur les évolutions et les innovations de la filière. » (...)

Les formations dispensées par les représentants des constructeurs remplissent un vide en la matière. « Hormis cette offre privée de formation, les enseignant·es sont relativement livrés à eux-mêmes pour acquérir de nouvelles connaissances » souligne des chercheuses qui ont participé à ces universités d’été. (...)

Ce poids des constructeurs dans l’enseignement agricole « est un énorme rouleau compresseur alors qu’on sait qu’un des principaux leviers pour un meilleur revenu dans le secteur, c’est de limiter les charges de mécanisation », réagit Blandine Passemard, doctorante en ergonomie et qui mène actuellement une thèse au sein de la fédération régionale des Cuma en Auvergne-Rhône-Alpes.

Comment en arrive-t-on à une telle dépendance de l’enseignement public vis-à-vis du secteur privé ? Tout commence par la difficulté pour les établissements scolaires d’acquérir en propre les équipements nécessaires aux ateliers, en raison du coût très élevé des machines (...)

« Les élèves sont certes souvent fascinés par les gros matériels, mais ils sont aussi très élogieux des agriculteurs qui pratiquent l’autoconstruction et savent travailler la ferraille directement pour adapter les matériels à leurs besoins », atteste un article de recherche du collectif Polma qui rassemble des paysans, des paysannes, et des sociologues.

« On mène un travail de longue haleine pour que, dans l’avenir, les agriculteurs ne s’endettent pas sur de l’équipement dont ils n’ont pas forcément besoin et qu’ils pourraient partager », résume Blandine Passemard. Avis aux ministères de l’Agriculture et de l’Éducation nationale qui n’ont cessé depuis quarante ans de déléguer la transmission des savoirs au secteur privé. En omettant la force et l’intelligence des collectifs de travail.