
Les organisations internationales – COP, Giec, Pnue – ont échoué à préserver le climat, laissant les grosses entreprises orienter les négociations. Une mascarade détaillée par Fabrice Nicolino dans « Le grand sabotage climatique ».
(...) Dans son dernier essai, Le grand sabotage climatique (Les Liens qui libèrent), le journaliste (de Charlie Hebdo) retrace l’histoire des organisations internationales consacrées à la lutte contre le réchauffement climatique depuis le premier Sommet de la Terre à Stockholm, en 1972. Une histoire pavée de belles intentions… et d’aucun résultat tangible. (...)
Écumant les rapports d’activités et autres publications administratives des instances onusiennes, depuis la création du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) jusqu’aux dernières COP, Nicolino relève un trait caractéristique : en un demi-siècle, les mots et concepts ont été ressassés des millions de fois… sans qu’une réelle action ambitieuse ait été mise en œuvre par les instances. (...)
De fait, si les différentes publications institutionnelles brassent le plus souvent du vent, elles savent s’attirer les faveurs des médias du monde entier lors des grand-messes que sont les Sommets de la Terre et les COP. (...)
Des instances internationales incapables de faire bouger les États
Cette jubilation médiatique est certainement le seul pouvoir entre les mains des instances onusiennes. Nicolino s’attarde peu sur ce point, mais on sent, à la lecture des textes officiels qu’il égrène, combien ces instances demeurent impuissantes face aux États. (...)
Nicolino rappelle la pression exercée par Margaret Thatcher et Ronald Reagan lors de la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en 1988 : pour éviter toute indépendance des scientifiques, « soupçonnés de militantisme », les deux chefs d’État imposent la présence des États au sein du Giec, de manière à ce que celui-ci « compose avec la diplomatie et surtout avec le poids des supposés Grands de la planète ». De sorte que les fameux rapports du groupe sont le fruit d’un compromis entre ces États et, aux dires de l’auteur, minimiseraient probablement l’ampleur du réchauffement climatique. En fait, le Giec s’est émancipé au long des années de cette tutelle initiale pour gagner en autonomie, et ses rapports ne sont plus sérieusement contestés.
Toutefois, l’impuissance n’est pas le seul fait des États ; elle est aussi consciemment entretenue par les acteurs onusiens. (...)
Après avoir alimenté le discours climatosceptique au cours des années 1990 et 2000, les industriels de l’énergie, de la chimie et de l’agro-industrie changèrent de tactique. Ils s’efforcèrent de se présenter comme les nouveaux champions de l’écologie, pleinement engagés dans un « développement durable » qui n’entrave aucunement leurs activités les plus destructrices, alors qu’eux-mêmes savaient de longue date quelles en étaient les conséquences.
Au lieu de coopérer avec les peuples révoltés, l’ONU se tourna vers les industriels
S’élabore ainsi une novlangue, inventée par les industriels et reprise par l’ONU, les gouvernements, les médias et certaines ONG, à l’instar de la « responsabilité sociétale des entreprises », promue par le WBCSD de Schmidheiny, ou de l’« empreinte carbone », popularisée au milieu des années 2000 par British Petroleum. Ainsi, « des milliers d’entreprises du monde entier – des dizaines, des centaines de milliers – vont modifier non pas leurs pratiques, mais leurs discours » et, mieux encore, diluer leurs responsabilités en faisant croire à une culpabilité globale de tous les citoyens. (...)
La conclusion s’impose d’elle-même : rien ne sert d’attendre quelque chose des puissants, mieux vaut prendre les devants et saboter les saboteurs.