
L’élection de Donald Trump transforme la plateforme d’Elon Musk en arme de désinformation massive. Mediapart refuse de servir la cause des ennemis du journalisme et de l’intérêt général.
A la suite d’échanges organisés par la Société des journalistes (SDJ) et d’une discussion collective de l’équipe, Mediapart a décidé de quitter X (ex-Twitter) le 20 janvier 2025. Ce jour marque l’investiture à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui qualifie les journalistes d’« ennemis du peuple », et la prise de fonctions d’Elon Musk, le propriétaire de la plateforme, à la tête d’un ministère de l’« efficacité gouvernementale ».
Nous avons chroniqué dans nos colonnes le risque fasciste que fait peser non seulement sur son pays, mais aussi sur l’ensemble du continent européen, cette nouvelle présidence. Nous avons chroniqué comment le patron de X a instrumentalisé son réseau social pour faire entrer le monde dans une nouvelle ère, celle du chaos de l’information. Comment il a manipulé ses utilisateurs et ses utilisatrices au service de la victoire de son camp. « You are the media now », les a-t-il félicité·es au lendemain de l’élection de son candidat, pour signifier sa volonté d’en finir avec le journalisme. (...)
Comme média, nous avons une bataille historique à mener en défense de notre mission d’intérêt général, qui consiste à rechercher la vérité des faits, en produisant des informations recoupées, vérifiées et documentées. Pour garantir un débat public démocratique digne de ce nom, notre responsabilité est de lutter contre les fausses nouvelles, le poison de l’inégalité et de la haine, la guerre de tous contre tous. (...)
Comme contre-pouvoir, nous nous opposons à ce renversement des valeurs. Cela implique d’abord et avant tout de refuser de nous laisser enfermer dans le cadre choisi par les ennemis de la liberté d’informer et du pluralisme.
S’adresser à toutes et à tous
En restant, qu’on le veuille ou non, nous légitimons leur espace et leurs armes (...)
Nous ne confondons pas Musk et les utilisateurs et utilisatrices de X. Mediapart s’adresse à tout le monde sans exception. Plus que jamais, nous nous engageons à nous rendre accessible au plus grand nombre, à partager nos informations et à faire entendre notre voix au-delà de nos abonné·es. Pour cela, notre stratégie consiste à amplifier notre présence sur d’autres réseaux sociaux et à multiplier les événements publics, partout en France, pour permettre à toutes et à tous de nous rencontrer.
Nous refusons plus que jamais l’entre-soi : la bulle, aujourd’hui, c’est X.
Nous acceptons plus que jamais l’adversité : X est devenue une prison, c’est-à-dire un lieu de soumission. Nous n’acceptons pas qu’un libertarien d’extrême droite nous silencie et nous enchaîne. (...)
Il est difficile de savoir ce que deviendront Bluesky, Threads, Instagram, LinkedIn ou TikTok. Il est plus facile d’imaginer que Mastodon restera durablement vivable, en raison de son architecture décentralisée et de ses règles de modération différenciées selon les « instances », comme celle que Mediapart a créée il y a un an.
Ce que nous savons, c’est qu’entre ces univers plus ou moins périssables et X, il existe une différence de nature et non pas de degrés. La plateforme de Musk est désormais aux mains de la pire idéologie qui soit, celle du suprémacisme blanc, portée elle-même par la plus grande puissance économique et militaire mondiale. Nous ne lui connaissons pas d’équivalent à ce jour en termes de pouvoir de nuisance. (...)
Plutôt que de subir, nous décidons de participer à l’édification d’une nouvelle « rue numérique ». Nous le faisons, avec celles et ceux qui, comme nous, journalistes, universitaires, militant·es des libertés publiques, syndicats, décident de quitter X le 20 janvier. Nous le faisons, par-dessus tout, avec les citoyens et les citoyennes qui résistent aux assauts antidémocratiques et contribuent à construire des passerelles plutôt que des murs.
De manière opérationnelle, à partir du 20 janvier, le compte de Mediapart arrêtera de publier sur X, les journalistes et salarié·es de l’équipe restant libres de choisir leur positionnement.
D’ici là, nous invitons nos abonné·es à migrer et à nous rejoindre sur Mastodon ou sur Bluesky. (...)