
Les coopératives peuvent-elles être une alternative au capitalisme ou bien constituent-elles un phénomène de niche qui ne l’atteint pas ? Comment l’héritage des socialistes utopistes transparaît-il dans la coopérative moderne ?
Avec
- Camille Ternier Chercheuse post-doctorale au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF)
- Alexia Blin Maîtresse de Conférences en Histoire et Civilisation des États-Unis, Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3)
S’il fallait définir l’entreprise coopérative en un seul principe, il s’agirait de celui de ”un individu, une voix” - par opposition à celui des entreprises classiques, “une action, une voix”. On retrace son origine aux penseurs socialistes du XIXᵉ siècle, et plus précisément aux travaux du Britannique, Robert Owen, qui, dans le cadre d’une expérimentation communautaire, a ouvert le premier magasin collaboratif à New Lanark en Ecosse. Mais on peut aussi penser à Philippe Buchez, disciple de Saint-Simon et premier théoricien de la coopérative de production.
Progressivement, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, la multiplication des expériences de coopération dans un contexte de grands bouleversements ouvriers post-Révolution industrielle ont permis l’institutionnalisation de la coopérative comme alternative au fonctionnement capitaliste classique. Si l’on a observé un regain d’intérêt pour ce modèle dans le cadre du mouvement autogestionnaire des années 1960-1980 - puis, après la crise de 2008 -, les entreprises coopératives ne sont jamais parvenues à s’imposer comme outil économique de référence. Désormais très encadrées par la loi, elles trouvent un écho dans la très en vogue "Économie Sociale et Solidaire", mais semblent s’être quelque peu vidées de leur substance originelle. Il convient alors non seulement d’interroger l’héritage du modèle coopératif initial, mais aussi sa capacité à se maintenir face au modèle capitaliste, voire à résister à ses tentatives d’infiltration. (...)