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Mediapart
Cyril Hanouna, ivre de son impunité devant les députés
#television #Hanoua #Bolloré
Article mis en ligne le 18 mars 2024
dernière modification le 16 mars 2024

Entendu par la commission d’enquête sur l’attribution des fréquences TNT, le présentateur star de C8 s’est payé la tête des parlementaires, pendant l’audition mais aussi dans son émission qui a suivi. L’animateur le plus sanctionné du paysage audiovisuel estime ne pas avoir de comptes à rendre.

(...) En quelques années, celui qui a longtemps erré sur le service public avant de connaître un succès tardif s’est mué en vecteur habile de la banalisation de l’extrême droite. Invitant presque toutes les semaines le candidat Éric Zemmour à partir de septembre 2021, saturant son émission de chroniqueurs réactionnaires, de Jean Messiha, polémiste d’extrême droite, à Juliette Briens, jeune visage de la droite radicale décomplexée, ou en conviant Jordan Bardella, affectueusement surnommé « Air Jordan », au moins une fois par mois, Cyril Hanouna est devenu l’atout populiste des médias contrôlés par Vincent Bolloré.

Mais la petite entreprise idéologique d’Hanouna n’est pas sans risque pour lui-même et sa chaîne. À force de contrevenir aux règles de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information établies par l’Arcom, le gendarme de l’audiviosuel, « Touche pas à mon poste » (TPMP) s’est vu infliger cinq millions d’euros d’amende, rien qu’entre février 2022 et janvier 2024. L’émission d’Hanouna a été rappelée à l’ordre trente et une fois depuis 2012, selon un décompte du Monde. (...)

Usant d’un ton parfois blagueur, souvent provocateur, Hanouna a montré qu’il n’avait cure des sanctions de l’Arcom, tant qu’elles ne touchent pas à son portefeuille. (...)

Concernant le déluge de sanctions infligées à C8, Cyril Hanouna a d’abord relativisé, comme les dirigeants de Canal+ deux semaines plus tôt et Vincent Bolloré la veille : « Pour une émission en direct tous les jours et qui a fait cinq mille heures d’antenne, je trouve qu’on s’en sort bien. » Puis il a rejeté la faute sur un prétendu « acharnement ».

« Je ne suis pas d’accord avec toutes les décisions », a-t-il affirmé, au point d’en juger certaines « disproportionnées ». Avant de virer parano. « On n’est pas dupes, on doit faire trois fois plus attention » que les autres chaînes, a-t-il lancé. « Il y a vraiment une forme de lobby, les gens veulent me faire sortir du PAF. » (...)

À mesure que l’audition filait, Hanouna, gagné par la confiance, s’est montré de plus en plus inconvenant. « Je vais confisquer les téléphones », lançait-il aux député·es. « Vérifiez vos sources », sermonnait-il le rapporteur de la commission, Aurélien Saintoul (La France insoumise).

Rejouant la logique du « happening » où, dans son émission, tout est prétexte à créer une séquence « culte », il osait même cette ultime insolence lorsque le président de la commission le rappelait à son obligation de fournir des réponses courtes : « Je prends mon goûter à 16 h 30. »

La punchline était trop belle pour qu’il n’en fasse pas un running gag. De retour sur son émission, « la plus regardée sur la TNT », juste après l’audition, il a été accueilli par ses chroniqueurs et par le public habillés de tee-shirts reprenant la vanne. À se demander si la séquence n’avait pas été préméditée.

La veille, Hanouna avait promis à ses « fanzouzes » (le nom donné aux inconditionnels de TPMP) de consacrer l’émission du soir au débriefing de son audition. Les chroniqueurs et chroniqueuses sont donc passés un à un pour dire dans un balai de courbettes tout le bien qu’ils pensent de leur patron. Ségolène Royal a aussi donné de sa personne pour féliciter le chef. (...)

L’inconvenance, de l’Assemblée à TPMP

Un sondage express a même été organisé sur X. « Selon vous, qui a gagné le match à la commission ? » 74 % des fanzouzes ont répondu que c’était Cyril Hanouna. Sur le plateau, les député·es qui ont eu le malheur de poser des questions peu complaisantes sont raillé·es, parfois même humilié·es. (...)

À la fin de l’audition, une fois les caméras éteintes, au moment où tout le monde quittait la salle, trois élus du Rassemblement national sont restés et ont défilé devant Hanouna pour une poignée de main fort bienveillante. Cyril Hanouna a beau jeu de récuser toute filiation idéologique avec l’extrême droite, ses représentants savent reconnaître un de leurs faire-valoir quand ils en voient un.