
Après le clash entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, les dirigeants européens se retrouvent dimanche à Londres pour une réunion informelle sur l’Ukraine et la sécurité. Avec le revirement américain sur le dossier ukrainien, les Européens sont en train de comprendre que "l’Europe doit assurer sa propre défense", selon une spécialiste des questions de défense européenne.
L’Europe peut-elle encore se passer d’une défense européenne ? Alors que la France paraissait isolée ces dernières années dans sa volonté d’avancer vers davantage d’intégration européenne en matière de défense, le contexte a considérablement évolué.
Après le début de l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine en 2022, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et le revirement des États-Unis sur le dossier ukrainien ont une nouvelle fois rebattu les cartes. L’Allemagne et le Danemark notamment, jusqu’ici atlantistes et ne jurant que par l’Otan pour leur défense, ont pris conscience de leurs vulnérabilités et plaident désormais pour une défense européenne.
Cette nouvelle urgence en matière de défense se traduit aussi par des hausses des dépenses militaires. (...)
Cette nouvelle donne est en train de donner un coup d’accélérateur à l’Europe de la défense car il apparaît tout simplement impossible de faire autrement. L’UE doit être en mesure d’assurer sa propre défense et doit donc tendre vers son autonomie stratégique.
Mais de quoi parle-t-on concrètement lorsqu’on évoque une défense européenne ?
Les traités européens ne prévoient pas la création d’une armée européenne mais indiquent que la politique de défense commune de l’Union conduira à une défense commune "dès lors que le Conseil européen statuant à l’unanimité en aura décidé ainsi". Une telle décision, qui pourrait mener à la mise en place d’une armée européenne, relève donc exclusivement des chefs d’État et de gouvernement, mais ces derniers ne se sont encore jamais avancés sur ce terrain. En revanche, les traités européens prévoient l’aide et l’assistance de tous les États membres "par tous les moyens en leur pouvoir" si l’un d’entre eux était l’objet d’une agression armée sur son territoire.
Plus concrètement et de façon moins théorique, des mécanismes permettent aux États membres de développer en commun des projets capacitaires et opérationnels. De même, la Facilité européenne pour la paix a été créée pour financer non seulement une partie des opérations de gestion de crise, mais également la fourniture d’équipements et d’armements aux pays tiers. C’est ce qui a été fait pour l’Ukraine notamment. En parallèle, la Commission et le Parlement jouent aussi un rôle dans la défense européenne par le biais des politiques industrielles, de recherche ou encore des transports. Encore faut-il trouver comment les financer, d’autant que les dépenses à engager pour une défense européenne autonome sont sans commune mesure avec les moyens mobilisés il y a trois ans après l’invasion russe de l’Ukraine. Ursula von der Leyen a ainsi avancé le chiffre de 500 milliards d’euros pour les besoins de financement de la défense européenne. (...)
Quel rôle peut jouer le Royaume-Uni, qui ne fait plus partie de l’UE ?
Le Royaume-Uni est un acteur important en matière de défense puisqu’il s’agit d’une force militaire, d’une puissance nucléaire et d’un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. L’Union européenne a donc tout intérêt à avancer avec le Royaume-Uni sur le dossier de la défense, d’autant que ce pays a les mêmes préoccupations que les États membres quant à la fiabilité du président Trump. C’est ce qui semble se dessiner. Reste à savoir dans quel cadre cette coopération s’effectuera et à quel point elle sera formalisée (...)
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– Après le revirement américain, Macron relance le débat sur un parapluie nucléaire européen
La France, seul pays de l’Union européenne disposant de l’arme atomique, est-elle prête à étendre son parapluie nucléaire à ses partenaires européens ? Une idée longtemps taboue sur laquelle le président Macron semble désormais prêt à discuter dans le cadre d’un "dialogue stratégique", selon des propos rapportés samedi 1er mars par la presse française. Le chef de l’État fait ainsi valoir dans le Parisien que cela "rendrait la France plus forte" car, ajoute-t-il dans Ouest-France, "aujourd’hui" les missiles russes déployés en Biélorussie "nous exposent".
"On ne peut pas dire qu’on veut des Européens plus autonomes et considérer qu’on va laisser nos voisins dépendre totalement de la capacité américaine sur le plan de la dissuasion", ajoute-t-il dans le quotidien régional. (...)
Le scénario d’une dissuasion européenne se heurte à de nombreux obstacles, dont l’autonomie de décision revendiquée par la France dans ce domaine.
Depuis son origine, la dissuasion française voulue par le général de Gaulle se veut complètement indépendante et repose sur l’appréciation par un seul homme, le président de la République, d’une menace contre les intérêts vitaux du pays. (...)