
Selon une étude britannique, les voyageurs de certains pays, en particulier ceux et celles originaires du continent africain, sont confrontés à des taux de refus "disproportionnés" lors de leur demande de visa.
La grande majorité des personnes qui entrent en Europe disposent d’un visa. Mais obtenir cette autorisation de voyager peut s’avérer particulièrement compliqué, notamment pour les personnes originaires d’Afrique. C’est ce que révèle une étude du cabinet de conseil spécialisé dans migration Henley and Partners, basé au Royaume-Uni.
Nabil Tabarout fait partie des personnes déboutées. Ce développeur web algérien de 29 ans a demandé deux visas pour la France pour rendre visite à sa sœur. Ses deux demandes ont été rejetées, rapporte l’agence de presse AP. Nabil se veut optimiste, mais est forcé de constater que la procédure est "ardue". (...)
L’étude de Henley and Partners a ainsi observé que les citoyens des pays africains peuvent être confrontés à des taux de refus jusqu’à 10% plus élevés que la moyenne mondiale. (...)
Les passeports issus de l’Union africaine ont obtenu un score de 28%, soit nettement moins que les passeports des ressortissants italiens, français, britanniques, américains, allemand, canadiens et japonais qui affichent un score de réussite de 85%. Plus largement, les passeports de l’Union européenne ont obtenu un score de 84%.
Les difficultés démarrent par l’obtention d’un rendez-vous (...)
Pour de nombreuses destinations, les candidats doivent également prouver qu’ils disposent d’une certaine somme d’argent à la banque afin de garantir qu’ils seront en mesure de financer leur séjour dans l’Union européenne (UE). (...)
Discrimination et rapports de force politiques
Pour Henley and Partners, les pratiques des pays de la zone Schengen sont discriminatoires.
En 2022, selon l’étude, l’Algérie, la Guinée et le Nigéria y ont tous vu leur taux de refus de visa avoisiner les 45 %.
À titre de comparaison, seul un demandeur américain sur 25 s’est vu refuser les mêmes types de visas pour les pays européens membres de l’espace Schengen.
L’étude montre plus largement que les voyageurs originaires des pays les plus pauvres du monde ont le moins de chances de décrocher un visa. (...)
L’auteur de l’étude, Mehari Taddele Maru, professeur au Migration Policy Center de l’Institut universitaire européen, y voit des rapports de force politiques.
Selon lui, les refus ou délivrances de visas sont régulièrement utilisés comme un outil de pression par les gouvernements européens dans leurs négociations avec des pays tiers, en particulier lorsque ces négociations portent sur l’expulsion de ressortissants qui sont entrés en Europe illégalement. (...)
Les accords bilatéraux entre les pays d’arrivée et les pays d’origine facilitent les processus d’expulsion. Sans ce type d’accord de coopération, le renvoi d’un demandeur d’asile débouté peut s’avérer impossible dans la pratique.
Récemment encore, les gouvernements nord-africains ont refusé de fournir des documents consulaires à leurs ressortissants menacés d’expulsion, compliquant la tâche des pays de l’UE.
Taddele Maru affirme que cette situation a indirectement entraîné une augmentation du nombre de demandes de visa rejetés pour ceux et celles qui veulent se rendre en Europe légalement.
Escroqueries
"Lorsque nous parlons d’une hausse des barrières pour les demandeurs potentiels, il ne s’agit pas seulement du taux de refus, mais aussi des restrictions au dépôt de la demande", ajoute Taddele Maru. (...)
Les rendez-vous auprès des autorités pour lancer la procédure ont longtemps été réservés par des courtiers peu scrupuleux, puis revendus au public, rapporte l’agence AP.
"Il s’agit d’une bande d’escrocs qui font fortune depuis des années sur le dos des pauvres citoyens en leur faisant payer cher un rendez-vous pour demander un visa", a déclaré à AP un homme nommé Ali Challali, qui a aidé sa fille à soumettre une demande de visa d’étudiant en France.
L’ancien système aurait conduit certains à débourser plus de 800 euros simplement pour obtenir le premier rendez-vous.
Pour tenter de répondre à ces critiques, la France a fait appel à la société VFS Global pour gérer le processus de demande à sa place.
Selon un rapport de la Direction générale des étrangers de France datant de 2023, 78 % des étudiants algériens espèrent rester en France après y avoir fait leurs études, notamment à cause du manque de perspectives d’emploi en Algérie.
Sans visa, certains se tournent alors vers des voies d’émigration irrégulières.