
L’Espagne est un eldorado pour beaucoup de jeunes migrants qui espèrent concrétiser leur rêve de ballon rond dans un pays où le football est roi. Mais depuis de longs mois, un phénomène inquiète : de plus en plus de jeunes Guinéens, Marocains, Tunisiens arrivent en Espagne avec la promesse d’intégrer des centres de formation nationaux. Sauf que, bernés par les passeurs, leur rêve se transforme en désillusion.
(...) Depuis plusieurs mois, de plus en plus de jeunes étrangers, n’ayant que 13 ou 14 ans, sont pris dans l’étau des réseaux de trafiquants d’êtres humains. "En échangeant avec des collègues à travers le pays, on se rend compte que le nombre de cas est en forte hausse", explique Juan José M, enquêteur à la police nationale espagnole sur les sujets liés au trafic d’êtres humains et des mineurs dans la région de l’Andalousie. "On a des signalements de personnes anonymes, mais aussi de beaucoup de jeunes qui, eux-mêmes, ont été exploités, et qui sont à la rue, en grande précarité. Ils ont décidé de parler à la police pour être aidé et éviter que d’autres jeunes ne se fassent embobiner". (...)
"On nous a dit de ne parler à personne"
Sa famille réunit de l’argent pour payer un passeur chargé d’emmener le fils prodigue en Espagne. "Il me promettait une place dans une académie de Barcelone", se rappelle Tidiane.
"On m’a fait venir en mars 2023 avec des documents qui mentionnaient que je venais pour un échange scolaire, avec plusieurs autres camarades guinéens du même âge, et que l’on serait pris en charge par une académie en continuant de suivre notre scolarité. On est arrivés à Barcelone, on a été séparés et logés chez des gens, et on nous a dit de ne pas parler aux personnes qui vivaient dans l’immeuble". (...)
L’adolescent sent que quelque chose cloche. "Au bout de 15 jours, on n’avait toujours pas démarré l’école, ni les entrainements de foot. On nous disait rien, et au bout d’un mois et demi, on nous a demandé de payer à nouveau, alors que ce n’était pas prévu... On était perdu, alors on a fui, un soir tard quand tout le monde dormait".
À la rue, Tidiane ne sait plus quoi faire, il n’a pas d’argent, et a peur de se faire arrêter par la police. Il n’a aucun document officiel, sa pièce d’identité a été confisquée par son passeur lors de son arrivée en Espagne.
Le jeune garçon fait les poubelles pour se nourrir, et durant cinq mois, dort dans des parcs, ou dans des endroits insalubres, sur des toits de bâtiments. Jusqu’à un jour d’octobre 2023, où un travailleur de l’association Caritas repère des jeunes dormant dans un immeuble en construction en face de chez lui. Tidiane est donc pris en main par la branche barcelonaise de l’organisme caritatif qui l’aide à l’apprentissage de la langue, mais aussi à le remettre sur le chemin de la scolarité.
"Sans eux, je ne sais pas ce qui me serait arrivé" (...)
Une importante opération policière a permis de faire arrêter cinq personnes d’un réseau le mois dernier entre Las Palmas, Cordoue et Madrid. Aujourd’hui, la fédération espagnole de football veut mettre la lumière sur la situation, et sensibiliser les clubs, les académies. (...)