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Histoire coloniale et postcoloniale/Eric Mesnard, historien
Essais nucléaires en Polynésie : un rapport parlementaire dénonce les mensonges d’État
#essaisnucleaires #Polynesie #France
Article mis en ligne le 5 juillet 2025
dernière modification le 3 juillet 2025

De 1966 à 1996, l’État français a procédé en Polynésie à 193 essais nucléaires, dont 46 en plein air, sans réelle protection pour les militaires et les populations. Le 17 juin 2025, une commission d’enquête parlementaire vient de publier un rapport qui met en évidence les mensonges d’État et le mépris pour la santé et l’environnement des Polynésiens1.

Après 17 essais nucléaires au Sahara2, l’armée a transféré en 1966 son champ de tir en Polynésie française, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa. Entre 1966 et 1974, la France effectua 46 essais nucléaires atmosphériques après avoir refusé de signer en 1963 le traité de Moscou qui les prohibait. Les protestations internationales, notamment de l’Australie et de la Nouvelle Zélande, finirent par contraindre, en 1974, l’État français à passer à des essais souterrains. Le dernier eut lieu le 27 janvier 1996 sous la présidence de Jacques Chirac après avoir fait procéder à six tirs souterrains.

Un mensonge d’État

Pendant quarante ans les autorités politiques et militaires ont fait croire que ces essais étaient « propres »… En 2006, après la publication d’un premier rapport d’une commission parlementaire polynésienne sur les essais nucléaires, elles admirent que ces essais avaient entraîné des conséquences sanitaires et environnementales mettant en danger les populations. (...)

Sur les 41 tirs atmosphériques entre 1966 et 1974, « au moins six ont provoqué des retombées radioactives nettement supérieures aux estimations initiales » en raison de prévisions météorologiques erronées3.

Jusqu’à très récemment, les archives nécessaires sur ces « accidents » étaient verrouillées. Il a fallu un scandale, en 2021 : l’enquête du média Disclose4, en partenariat avec la cellule investigation de Radio France a révélé, à partir d’archives classées « secret défense », comment l’essai dit Centaure, du 17 juillet 1974, avait touché l’île de Tahiti. Porté par un épisode de pluie non prévu, le nuage radioactif de la bombe, qui avait explosé en plein air à Moruroa, s’est déversé à 1 000 km de là, sur Tahiti, contaminant potentiellement 110 000 personnes… Mais à l’époque, les autorités ont sciemment décidé de ne pas mettre la population à l’abri. (...)

Il a fallu attendre 2010 pour que la loi Morin prévoie d’indemniser les victimes de ces essais, tombées malades après avoir été exposées aux radiations. La commission d’enquête parlementaire sur la politique française d’expérimentation nucléaire5 propose d’élargir les conditions d’indemnisation car, contrairement aux vétérans de France, les Polynésiens qui demandent réparation à la suite de contaminations peinent à être indemnisés (...)

Le rapport du Dr Christian Sueur, responsable jusqu’en décembre 2017 de l’unité de pédopsychiatrie du Centre Hospitalier de Polynésie française, laisse entendre que les essais nucléaires atmosphériques ont entraîné des répercussions génétiques sur les descendants des vétérans du Centre d’Essais du Pacifique (CEP) ayant participé à ces essais, et plus largement sur les populations locales. (...)

Les 45 recommandations du rapport de la commission parlementaire adopté au Parlement à l’unanimité de ses membres (à l’exception du Rassemblement national qui s’est abstenu) concernent outre la santé, de multiples domaines dont l’environnement.« (…) Si le démantèlement des installations a signifié le renoncement de la France aux essais nucléaires en rendant techniquement impossible leur reprise rapide, une quantité importante de matières radioactives demeure présente sur le site … les puits creusés sous les atolls comprennent toujours des produits de fission résultant des explosions souterraines, ainsi que des déchets nucléaires divers qui y ont été entreposés … malgré les actions de nettoyage déjà entreprises, la surface des atolls et des lagons requiert toujours une attention particulière. D’après les informations communiquées à votre rapporteur par le département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires (DSCEN), cinq kilogrammes de plutonium environ seraient piégés dans les sédiments au fond des lagons de Moruroa et Fangataufa (…)8 ».

Le 9 octobre 2018, le dirigeant indépendantiste polynésien Oscar Temaru a déclaré qu’une plainte avait été déposée devant la Cour pénale internationale contre la France pour crimes contre l’humanité (...)

RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation,
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/ceesnuc/l17b1558-ti_rapport-enquete.pdf ↩︎