
Selon les anciens PDG d’EDF, les difficultés économiques de l’entreprise publique seraient dues à l’Etat français qui, du fait de ses politiques erratiques et confiscatoires, aurait « ruiné » ses finances.
Pour Henri Proglio, Pierre Gadonneix et Jean-Bernard Lévy, le coupable c’est en effet l’Arenh (l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) mis en place en 2011, qui visait à partager la production nucléaire avec les autres fournisseurs d’électricité nationale au motif que le parc avait été financé par l’ensemble des Français, pas seulement les clients qu’EDF avait gardés. La part de marché d’EDF a en effet beaucoup baissé depuis la fin du monopole.
Ils ont également souvent mis en cause l’Allemagne ! « Le pouvoir politique allemand était très conscient que la France avait un avantage particulier avec les prix de l’électricité bas », a déclaré Pierre Gadonneix, évoquant même ensuite une « collusion bruxelloise et allemande ». Henri Proglio est encore plus explicite : « L’obsession allemande depuis trente ans, c’est la désintégration d’EDF. Ils ont réussi. »
Une équation impossible
Et il est vrai que l’équation actuelle paraît insoluble : fournir une électricité la moins chère possible aux consommateurs français – notamment industriels – tout en investissant massivement dans le grand carénage pour remettre à flot les réacteurs nucléaires existants et en construire de nouveaux. Tout cela en réduisant la dette colossale du groupe.
EDF est pourtant dans le top 5 mondial des entreprises spécialisées, les « utilities » (électricité, gaz, eau…). Avec un chiffre d’affaires exceptionnel de près de 120 milliards d’euros en 2024, elle est même en tête de classement juste devant l’Italien Enel, et Engie est quatrième. Manifestement, la France ne maltraite pas tant que ça ses champions…
Mais son endettement financier de plus de 80 milliards, en légère baisse depuis deux ans, reste colossal. (...)
les activités françaises sont les plus rentables du groupe ! Seule exception, l’année 2022 qui a vu la production nucléaire s’effondrer tandis qu’EDF devait acheter de l’électricité à des prix très élevés. Depuis 2017, ce sont 31 milliards de résultat d’exploitation cumulés.
En revanche, si l’on regarde les activités du groupe à l’international, le bilan est plus que mitigé. EDF a en effet « perdu » près de 14 milliards d’euros au Royaume-Uni depuis 2017. Heureusement, les autres activités du groupe, notamment dans les renouvelables et le trading sont rentables et ont rapporté près de 18 milliards sur la même période.
Des investissements soutenus mais peu rentables
La principale difficulté d’EDF ne réside finalement pas tant dans le volume de sa dette que dans la nature des investissements. (...)
Le principal problème est que les investissements dans les nouveaux réacteurs n’auront pas de contreparties en chiffre d’affaires avant (très) longtemps, tandis que le grand carénage du parc vieillissant permet simplement de maintenir les actifs. (...)
Pour les années qui viennent, il va falloir finir la rénovation du parc nucléaire vieillissant, achever le chantier de Hinkley Point C, remplacer le couvercle de la cuve de Flamanville 3, lancer les EPR2, mais également financer la quote-part EDF dans Cigeo, le renouvellement des différentes usines nécessaires pour le combustible (La Hague, Melox, etc.).
En résumé : si EDF vit au-dessus de ses moyens, c’est bien plus du fait de son ancrage dans le nucléaire qu’à cause du marché français ou du marché européen.