
Sous l’impulsion de la nouvelle présidence danoise, l’Union européenne veut muscler sa politique migratoire en ouvrant un cadre légal aux "hubs de retour" dans des pays tiers, et en facilitant les expulsions de déboutés du droit d’asile, y compris en Afghanistan et en Syrie. Une politique qui s’inscrit dans la lignée du nouveau pacte asile et immigration.
"Le système d’asile européen doit être réformé", a déclaré le commissaire européen aux Affaires intérieures et aux migrations, Magnus Brunner, le 22 juillet dernier, lors conseil informel de l’UE dédié aux affaires intérieures, à Copenhague.
Lors de ce sommet, qui réunissait les ministres de l’Intérieur européens, la présidence danoise du Conseil a mis l’accent sur la volonté de durcir la politique migratoire européenne, notamment en améliorant la directive "retour" de 2008, puisque seuls 20 % des étrangers sommés de quitter le territoire quittent effectivement l’Union européenne (UE). L’UE veut aussi réviser "le concept de pays tiers sûr et la liste des pays d’origine sûrs", a résumé Magnus Brunner sur X. (...)
En avril, la commission européenne a notamment proposé de classer sept pays - le Bangladesh, la Colombie, l’Égypte, l’Inde, le Kosovo, le Maroc et la Tunisie - comme "pays d’origine sûrs", facilitant le rejet accéléré des demandes d’asile jugées infondées.
Vers des centres de retours sur le modèle italien ?
De son côté, le ministre de l’Intérieur italien Matteo Piantedosi fait la promotion des centres de retours pour migrants en Albanie. Ces derniers "sont un modèle pour l’UE, nous sommes convaincus que nous allons dans la bonne direction".
Sous la pression de plusieurs pays membres, la Commission européenne avait annoncé en mars qu’elle était favorable à la création d’un cadre légal pour les "hubs de retour" en dehors de ses frontières.
"Nous voulons créer la possibilité de renvoyer les migrants dans des pays voisins proches de leur pays d’origine" lorsque ce dernier refuse de reprendre ses ressortissants, a appuyé le chancelier allemand Friedrich Merz, lors d’une conférence de presse le 18 juillet.
Seul le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a exprimé "de sérieuses réserves politiques, juridiques et économiques" sur ce projet. (...)
Faciliter les retours vers l’Afghanistan et la Syrie
Début juillet, la Première ministre danoise et issue de la gauche, Mette Frederiksen, avait donné le ton en plaidant pour le renforcement des frontières extérieures de l’Europe et pour l’externalisation des demandes d’asile.
Sous l’impulsion de l’Italie, de l’Allemagne ou encore de l’Autriche, plusieurs États européens veulent aussi permettre le renvoi de déboutés du droit d’asile afghans et syriens dans leur pays d’origine, malgré le retour des talibans dans le premier et la fragilité de la situation politique dans le second.
Début juillet, l’Autriche a ainsi expulsé un condamné vers la Syrie, une première dans l’UE après la chute du régime d’Assad. Quelques semaines plus tard, c’est l’Allemagne qui a expulsé un groupe de criminels condamnés vers l’Afghanistan. Il s’agit de la première expulsion de ce type depuis 2024 et de la première sous le gouvernement du chancelier Friedrich Merz. L’initiative a aussitôt été dénoncée par l’ONU, qui a demandé "l’arrêt immédiat du renvoi forcé de tous les réfugiés et demandeurs d’asile afghans".
Réunis le 18 juillet à Zugspitze, dans les Alpes bavaroises, plusieurs ministres de l’Intérieur européens conservateurs, dont Bruno Retailleau, ont signé une déclaration appelant à généraliser ces expulsions (...)
Une position qui va pourtant à l’encontre de la politique de la Commission européenne qui considérait encore cet hiver, au même titre que l’ONU, que les conditions nécessaires à des retours sûrs en Syrie n’étaient pas réunies.