Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
« Fascistes », « désinformation totale » : la droite riposte à la pétition contre la loi Duplomb
#loiDuplomb #agriculture #pesticides #AssembleeNationale #pétition #droite #macronie #extremedroite
Article mis en ligne le 25 juillet 2025

Pour expliquer le succès de la pétition au 1,8 million de signatures, l’axe pro-Duplomb, des macronistes à l’extrême droite, assure qu’elle a été pilotée par l’extrême gauche et que ces Français sont dans l’émotion et non la raison.

(...) les prises de parole s’enchaînent pour dénoncer cet élan citoyen inédit. Politiques de droite et d’extrême droite utilisent pour cela des arguments bien rodés : ils délégitiment la mobilisation en l’accusant d’être pilotée par l’extrême gauche et accusent les opposants d’être irrationnels et poussés par l’émotion afin de mieux les infantiliser.

1 — Une colère pilotée par « l’extrême gauche » (...)

L’objectif : délégitimer la pétition. Or, celle-ci n’a pas été lancée par la gauche mais par une étudiante qui n’est affiliée à aucun parti et elle a d’abord été relayée hors des cercles politiques et partisans. « La jeune femme qui a rédigé la pétition se voit accuser de fascisme, c’est ridicule », dénonce François Dedieu, politologue et sociologue, directeur de recherche à l’Inrae.

La désinformation n’est en effet pas l’apanage des politiques, elle a des relais médiatiques. Géraldine Woessner, rédactrice en chef du service « société » du Point et autrice du livre Les Illusionnistes : une enquête inédite sur les dérives de l’écologie politique (Robert Laffont, 2024), a posté sur X : « On trouve toujours des fascistes derrière ces pétitions, qui vous font croire à un empoisonnement général. » (...)

Zappons sur la matinale de TF1. Le 21 juillet, c’est Julien Odoul, porte-parole du Rassemblement national, qui déclarait que « cette pétition est une désinformation totale [...] orchestrée, savamment instrumentalisée par les réseaux d’extrême gauche [...] qui veulent s’en prendre à nos agriculteurs ».
2 — Les opposants seraient irrationnels et antiscience

« Le discours de Julien Odoul est grotesque. Il n’y a pas d’instrumentalisation, il n’y a aucune désinformation. C’est un grand cirque populiste », dénonce Philippe Grandcolas, directeur adjoint scientifique national pour l’écologie et l’environnement au CNRS. « L’acétamipride est dangereux. [Dire le contraire] est une vision rétrograde du consensus scientifique », assure François Dedieu, politologue et sociologue, directeur de recherche à l’Inrae.

La réautorisation de l’acétamipride cristallise en effet le débat, l’insecticide n’étant ni sûr pour la santé humaine et la biodiversité, ni indispensable. Bien que les études sur ce néonicotinoïde s’accumulent et démontrent sa toxicité, les défenseurs de la loi Duplomb invalident les arguments scientifiques en affirmant qu’il n’y a pas de consensus. « Pourtant, il existe. (...)

Ce qui n’a pas empêché François-Xavier Bellamy, vice-président exécutif des Républicains (LR), d’affirmer le 21 juillet à Télématin que « cette molécule ne présente pas de toxicité pour l’Homme, et ne conduit pas à une mortalité pour les abeilles ».

Pour Éva Morel, secrétaire générale de Quota Climat, association qui dénonce la faible place de la crise écologique dans les médias, il s’agit d’injecter du doute dans le débat. (...)

Pour François Dedieu, auteur de Pesticides : Le confort de l’ignorance (Seuil, 2022), le déni n’est plus possible. « Contrairement à il y a dix ans, nous connaissons aujourd’hui les dangers des pesticides, dénonce-t-il. En polarisant le débat, on vient écraser le consensus scientifique et on met à distance toutes les évaluations et expertises faites ces dernières décennies. »

« Dès que l’on entre dans le débat politique, le statut de la science devient très précaire et on la considère comme fragile », résume Philippe Grandcolas, qui parle de « déni de science ».

Pour Pierre-Henri Dumont, secrétaire général adjoint des Républicains, les opposants à la loi ne jouent pas « sur la réalité des faits, mais sur des craintes supposées. En fait, on sort du champ de la raison pour arriver dans le champ de la passion », comme le rapporte France Inter.

3 — Infantiliser les opposants

Ainsi, les Français ne seraient pas légitimement inquiets d’un texte réautorisant des pesticides dangereux et favorisant l’élevage industriel, ils seraient apeurés. C’est du moins ce que la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, sous-entendait sur France 2 le 21 juillet, estimant qu’il ne faut pas « affoler les populations ». « Peut-être n’avons-nous pas assez expliqué, peut-être n’avons-nous pas assez rassuré », a-t-elle poursuivi.

Quant à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, elle semble presque étonnée que les citoyens s’intéressent à des sujets de société aussi cruciaux (...)

Même refrain infantilisant du côté d’Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes : « À force de désinformation et d’instrumentalisation massives, c’est assez légitime qu’il y ait beaucoup de Français inquiets. Ils ont entendu matin, midi et soir des gens leur dire que des parlementaires allaient faire en sorte que nos enfants puissent être contaminés et être touchés par le cancer », a-t-elle critiqué sur France Info le 22 juillet.

Pourtant, grâce notamment à Fleur Breteau, atteinte d’un second cancer et qui est devenue la figure de la résistance contre la loi Duplomb, des milliers de citoyens continuent de se mobiliser au cœur de l’été.

Pétition : Non à la Loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective.