
L’appel à manifester avait été lancé après que le premier ministre israélien a décidé de renvoyer le directeur des services de renseignement intérieur, sur fond de retour de la guerre à Gaza. La principale revendication porte sur un accord de libération des otages.
Jérusalem.– Entre le ministère des affaires étrangères et la Cour suprême israélienne, la foule se regroupe lentement, dans une marée de drapeaux israéliens et bannières jaunes, la couleur symbole du soutien aux Israélien·nes kidnappé·es le 7-Octobre par le Hamas et les groupes combattants palestiniens dans les environs de Gaza.
Au départ, l’appel à manifester avait été lancé après que Benyamin Nétanyahou a annoncé, le 16 mars, son intention de limoger le chef des services de la sécurité intérieure israélienne, Ronen Bar, qui enquêtait notamment sur l’entourage du premier ministre israélien. Un limogeage contesté par l’opposition et la procureure générale, Gali Baharav-Miara.
Avec la reprise la veille des bombardements israéliens sur Gaza, qui ont tué au moins 436 Palestinien·nes dans l’enclave, la question des otages israélien·nes encore détenu·es dans l’enclave palestinienne figure à nouveau comme mot d’ordre principal de ces manifestations. Ils étaient 40 000 mardi soir sur la place Habima, à Tel-Aviv, réunis notamment autour de membres du Defensive Shield Forum, une organisation composée d’anciens hauts responsables sécuritaires, militaires ou des services de renseignement, dont certains ont servi sous l’actuel premier ministre. (...)
À Jérusalem mercredi, ils sont plusieurs milliers à bloquer l’entrée de la ville le matin, puis la rue menant à la résidence du premier ministre l’après-midi. Il s’agit de la plus grande mobilisation qu’ait connue la ville depuis des mois, selon le journal de gauche israélien Haaretz. Quatre personnes ont été arrêtées.
« Nous sommes en train de perdre notre démocratie et nous perdons nos otages. Il faut libérer les otages grâce à un accord pour sauver ceux qui sont encore en vie », résume Iris Milner, venue de Tel-Aviv avec deux amies. Cette universitaire en congé sabbatique manifeste depuis quatre ans déjà contre le retour de Benyamin Nétanyahou au pouvoir. Mais cette fois, l’Israélienne de 67 ans ressent une urgence inédite. « Les gens sont fatigués, en colère et désespérés », juge-t-elle. Dans la manifestation, beaucoup confient surtout leur confusion. Les massacres du 7-Octobre ont ébranlé la confiance des Israélien·nes dans leur sécurité même.
Enquête empêchée (...)
Benyamin Nétanyahou refuse catégoriquement toute investigation qui mettrait en cause sa gestion et celle de son gouvernement.
Ses opposants questionnent notamment sa stratégie longtemps affichée de renforcer le Hamas face à l’Autorité palestinienne dans l’espoir de diviser la scène politique palestinienne et, aujourd’hui, ses liens avec le Qatar, un émirat considéré comme le parrain du groupe islamiste à la tête de Gaza.
Début mars, Ronen Bar, le patron du Shin Bet, a rendu publiques les conclusions de l’enquête des services du renseignement intérieur sur les échecs ayant conduit au 7-Octobre. Il met notamment en cause « l’échelon politique » qui, selon lui, « a longtemps et délibérément ignoré les avertissements de l’agence ». (...)
Nétanyahou contre les institutions
Trois des proches du chef du gouvernement israélien auraient été payés par l’émirat avant la Coupe du monde de football de 2022, puis lors de la guerre à Gaza, pour améliorer son image auprès du public israélien. Deux semaines plus tard, le 16 mars, le premier ministre israélien annonçait qu’il entendait limoger le directeur du Shin Bet – une première en Israël. Le mandat de Ronen Bar court jusqu’en 2026. (...)
En novembre 2024, Benyamin Netayahou a renvoyé le ministre de la défense Yoav Gallant, tandis que le chef d’état-major Herzi Halevi, en poste depuis 2022, est parti à la retraite en mars. En plus de Ronen Bar, le premier ministre a multiplié les menaces envers la procureure générale, Gali Baharav-Miara. (...)
La guerre pour rester au pouvoir (...)
En relançant la guerre à Gaza, Benyamin Nétanyahou a en effet réussi un nouveau coup de force. Il devait témoigner mardi lors de son procès pour corruption, ouvert en 2020 et à cause duquel notamment il s’accroche au pouvoir qui lui permet pour l’instant d’éviter la prison. Mais l’audience a été annulée en raison de la reprise des opérations militaires.
« Ce foutu gouvernement a besoin de la guerre, or la guerre doit être un moyen, pas un but ! » Tsur Schuman, manifestant anti-Nétanyahou (...)
Après la chute du gouvernement en 2019, les électeurs et électrices israéliennes ont tenté de se débarrasser de Benyamin Nétanyahou, ouvrant quatre ans d’instabilité politique. Mais au bout de cinq élections, le premier ministre est revenu aux commandes (...)
Face à une coalition d’extrême droite déterminée à rester au pouvoir, l’opposition israélienne « n’a aucune alternative à la politique présentée par Nétanyahou, en particulier concernant ce qu’on a appelé le jour d’après la guerre », note l’éditorialiste d’Arab 48, Antoine Shalhat.
Pendant que les manifestant·es demandaient l’arrêt des combats et des négociations pour le retour des otages, l’armée israélienne annonçait qu’elle lançait une offensive terrestre à Gaza.