
Une moyenne de six bureaux pour dix salariés. Chez Orange, le « flex office » est en passe de devenir la norme, entraînant une dégradation des conditions de travail. La direction invoque la nécessaire rationalisation de son parc immobilier et une organisation bouleversée par le télétravail.
Chaque matin en arrivant au bureau, les salariés d’Orange doivent se trouver une place dans l’open space avant de pouvoir travailler. S’ils n’y parviennent pas, ils et elles devront se contenter, au mieux, d’un canapé ou d’une « bulle d’appel » – sorte de cabine téléphonique isolée du bruit – libres ; au pire, du couloir. Chaque soir en partant, ils doivent ranger leurs affaires dans un casier et faire place nette pour le lendemain.
Bienvenue dans le « flex office » ! Derrière cette expression qui sonne très « digital nomade » et « start-up nation », se cache une nouvelle organisation du travail où plus personne n’a de bureau attitré. Cette version post-Covid de l’open space entend rationaliser les surfaces de bureaux depuis que les salariés d’Orange travaillent de chez eux deux jours par semaine, après la pandémie. Mais cette nouvelle « organisation » pose de nouveaux problèmes de mal-être au travail.
« De toute façon, il y a trop de salariés » (...)
Sur les sites de Lannion (Côtes-d’Armor), Châtillon (Hauts-de-Seine), Marseille et bien d’autres, le « taux de flex » tourne autour de 6 %. Autrement dit, Orange y met à disposition six bureaux pour dix salariés. À ces derniers de s’arranger entre eux pour ne pas venir sur site le même jour et risquer de devoir squatter un canapé ou une « bulle d’appel » pour travailler. (...)
Les flex officse semblent accentuer les problèmes déjà présents en open space classique. « Nuisances sonores », « proximité », et « impact sanitaire » « perturbent le travail », entraînent « tensions », « gênes » et « énervement entre salariés », répète la CFE-CGC, organisation syndicale représentative chez Orange, à l’occasion de ses nombreuses prises de position sur le sujet. Le syndicat de cadres observe, impuissant, la généralisation du flex office, dénoncée comme une politique de rationalisation financière et immobilière sous couvert d’un vocable cool et branché.
Empoignades, altercations verbales et charge mentaleLes flex officse semblent accentuer les problèmes déjà présents en open space classique. « Nuisances sonores », « proximité », et « impact sanitaire » « perturbent le travail », entraînent « tensions », « gênes » et « énervement entre salariés », répète la CFE-CGC, organisation syndicale représentative chez Orange, à l’occasion de ses nombreuses prises de position sur le sujet. Le syndicat de cadres observe, impuissant, la généralisation du flex office, dénoncée comme une politique de rationalisation financière et immobilière sous couvert d’un vocable cool et branché.
Empoignades, altercations verbales et charge mentale (...)
« Chez Orange, les salariés sont déjà dans une réorganisation hiérarchique permanente. Tous les deux ans, on te change de manager, tu changes d’équipes. À ça s’ajoute désormais la désorganisation de l’espace. Avant, on compensait cette instabilité hiérarchique avec un environnement de travail stable. Maintenant on ne peut plus. »
« On doit régulièrement gérer des empoignades, des altercations verbales entre salariés qui ne supportent plus la charge mentale de leur environnement professionnel. Pour beaucoup, c’est difficile de supporter les habitudes des collègues qui peuvent manger, boire sur place, laisser leurs affaires... » (...)
Alerte pour péril grave et imminent
L’entreprise a donc adopté un nouveau mot d’ordre : la densification. Au total, le groupe espère se séparer de 660.000 m² de bureaux d’ici la fin de la décennie. Dans son schéma directeur immobilier, le géant français des télécoms assume sa volonté de réduire l’espace attribué à chacun et se fixe l’objectif de passer de 26 m² par travailleur en 2022 à 20 m² en 2030. Tout dépend cependant de ce qui est pris en compte dans le calcul de cette surface moyenne par salarié.
Lors de chaque « microzoning » (cartographie de la répartition des îlots de bureaux opérée lors des réorganisations de sites), la bataille statistique sur les superficies se rejoue entre les syndicats et la direction immobilière du groupe. « Aujourd’hui, Orange compte les toilettes pour calculer la surface allouée à chaque salarié. Dans la réalité, chez Orange Gardens à Châtillon, des gens ont moins de 2m2 par poste. On y a lancé une alerte pour péril grave et imminent », s’indigne Dominique Poitevin. Contacté par Basta !, le service communication d’Orange n’a pas répondu à nos sollicitations. (...)
Au procès des anciens dirigeants d’Orange, Jacques Moulin, responsable du programme Interim développement », avait expliqué que la direction cherchait alors à « piloter la performance et l’adaptation des compétences en introduisant la culture du turn-over » grâce à la « réduction du confort dans les postes non prioritaires ou stratégiques ». Une recherche volontaire de l’inconfort des salariés qui trouve aujourd’hui de tristes échos dans le flex office généralisé.