
Rexhino Abazaj, dit Gino, militant antifasciste albanais, est incarcéré en France et menacé d’extradition vers la Hongrie, où il encourt jusqu’à 24 ans de prison, poursuivi pour des violences lors d’une contre-manifestation face à des néonazis. Ce 12 mars, la cour d’appel de Paris tenait une audience pour statuer sur son sort.
Depuis quatre mois, Rexhino Abazaj, dit « Gino », militant antifasciste albanais, est incarcéré à la prison de Fresnes. Arrêté à Montreuil en novembre dernier par la sous-direction antiterroriste, il est sous la menace d’une extradition vers la Hongrie. Depuis des mois, collectifs, politiques, associations et syndicats se mobilisent pour sa libération.
L’affaire commence en février 2023, à Budapest, lors du « jour de l’honneur », une commémoration annuelle de la tentative avortée des troupes allemandes et hongroises de briser le siège de la ville par l’armée soviétique en 1945. Un rassemblement au cours duquel des milliers de néonazis venus de toute l’Europe défilent sous le regard complaisant du gouvernement de Viktor Orbán. (...)
C’est dans ce contexte, cette année-là, qu’une manifestation antifasciste est organisée contre la tenue de ce rassemblement de nostalgiques du nazisme. Gino est accusé d’y avoir participé et fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis par la Hongrie pour « participation à une organisation criminelle » et « coups et blessures provoquant un risque immédiat de mort ». (...)
Il n’est pas le seul : dix-sept militants antifascistes sont poursuivis dans le cadre de cette affaire, dont l’eurodéputée italienne Ilaria Salis, qui a passé plus de quinze mois en détention préventive, dans des conditions dénoncées comme inhumaines, avant d’obtenir une assignation à résidence. En revanche, plusieurs participants néonazis, suspectés d’avoir violemment agressé des contre-manifestants, sont relâchés sans poursuites (...)
Une audience décisive
Le président de la cour rappelle que les autorités hongroises ont répondu à la demande de garanties, mais de manière incomplète et vague, notamment sur le lieu de détention de Gino et les conditions de son procès. Un des éléments transmis par la Hongrie indique que « Gino purgera sa peine dans la prison de Budapest centre ». (...)
Un risque avéré pour les droits fondamentaux
L’isolement carcéral proposé par la Hongrie pour garantir la sécurité de Gino a été aussi vivement critiqué par la défense, qui y voit un traitement punitif. (...)
Les avocats ont également pointé du doigt les propos hostiles du gouvernement hongrois à l’égard des militants antifascistes. (...)
Un système judiciaire sous la main d’Orban
La défense n’a cessé de remettre en cause l’indépendance de la justice hongroise, citant, par exemple, le limogeage du juge András Baka en 2012, après ses critiques contre les réformes judiciaires du gouvernement Orbán. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a statué en 2016 que son renvoi constituait une violation de son droit à la liberté d’expression et de son droit à un procès équitable, mettant en évidence l’ingérence du pouvoir exécutif dans le système judiciaire. (...)
En parallèle, les avocats ont rappelé la récente mobilisation de plus plusieurs milliers de magistrats et fonctionnaires en Hongrie contre la mainmise du gouvernement sur la justice. Cette contestation intervient dans un climat de tensions persistantes entre l’Union européenne et la Hongrie concernant l’État de droit. (...)
Le Parlement européen et la Commission européenne ont ouvert plusieurs procédures contre Budapest, dénonçant des atteintes à la séparation des pouvoirs et à la liberté de la presse. (...)
Verdict début avril
Après deux heures d’audience, le président de la cour, très à l’écoute de la défense, a annoncé que le délibéré serait rendu le 9 avril. Concernant la demande de mise en liberté de Gino, après deux refus, la cour a jugé la requête recevable et ordonné une enquête de faisabilité. La décision sur une éventuelle mise en semi-liberté, assortie d’un placement sous bracelet électronique, sera rendue le 26 mars. Pour les avocats de Gino, cette ouverture marque une avancée significative : « Cela montre que la cour est à l’écoute et consciente des problèmes soulevés. » (...)